Le SMIC, le chômage et le marché

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France

 

Où il est dit et redit que: «Qui veut faire l’ange fait la bête».

La Suisse s'est lancée dans un grand débat pour ou contre l'instauration d'un SMIC. La contagion, l'imitation des voisins, prend quelquefois singulière tournure. Alors que la France s'est fait piégée dans une fixation de la valeur du travail des jeunes et des non-qualifiés qui produit à jets continus du chômage, et qu'elle cherche à en sortir, la Suisse, elle, cherche à y entrer!

 

Personne ne conteste les impératifs moraux et sociaux contenus dans la revendication d'un SMIC, simplement il faut s'interroger sur leur compatibilité avec la logique économique. Un SMIC pose peu de problèmes dans une économie peu ouverte sur l'extérieur, dans une économie ou les valeurs économiques moyennes sont protégées. En revanche, dans un système ouvert, ce qui détermine le prix du travail, surtout celui qui est peu qualifié, c'est le marché mondial.

Voyons ce qui se passe en France voisine.

Laissons Gattaz, ce triste sire représentant du socialisme patronal et du capitalisme managérial, à ses rêveries malsaines d'instauration d'un sous-SMIC.

Restons sur la question de la nécessaire suppression du SMIC. Elle se pose en les mêmes termes que les questions de réglementation des loyers. Il ne vous échappera pas que la France vit dans une crise du logement chronique. Un habitant de Sirius dirait, c’est parce que les réglementations et les interventions de la puissance publique empêchent la formation d’un vrai marché du logement et donc empêche la découverte des prix où s’équilibreraient l’offre et la demande.

Bref, la crise du logement est, transposée à l’emploi, de même origine: on refuse de reconnaître le rôle du marché, sa fonction d’équilibrage des offres et des demandes, on refuse son rôle de clearing efficace.

Pour résumer, on refuse que le logement s’inscrive, comme c’est le cas ailleurs, dans le cadre d’une économie de marché. On refuse que ce soit, et on retrouve la similitude avec le travail, un bien comme un autre, avec une offre et une demande, expression des désirs des uns et des autres.

Eh bien, il en va de même pour le marché de l’emploi. Tout, en France, s’organise autour de la négation d’un marché de l’emploi. Tout est fait pour y échapper. Donc on échappe à ses résultats et conséquences, à savoir l’échange, la confrontation volontaire des désirs des agents économiques. Et tout dysfonctionne. On fait semblant d’oublier que le mal est structurel, le taux de chômage n’est pas descendu sous la barre des 7% en France depuis 1982!

Le problème n’est pas la politique ou le découpage droite/gauche, le problème est culturel. On accepte de se battre sur le marché mondial des marchandises, on accepte le marché des marchandises, lesquelles ne sont rien d’autre que du travail cristallisé, mais on ne perçoit pas la contradiction majeure qui y réside. Le marché mondial des marchandises fixe le prix des marchandises et donc celui du travail contenu, c’est à dire qu’il implique que le prix du travail puisse s’établir, lui aussi, sur un marché. Cela est incontournable et les erreurs théoriques, comme disait Trotski, conduisent inéluctablement aux catastrophes pratiques, ce qui est le cas.

Avant la mondialisation et l’imbécillité européenne, cela ne se voyait pas ou peu car il n’y avait pas de contrainte extérieure aussi forte. Maintenant, la statue du commandeur est là, partout. Ou plutôt, un peu moins dans les services, pas du tout chez les fonctionnaires, mais elle est partout ailleurs où il y a un marché des biens et services échangés sur un marché mondial.

Le système français vit et crève d’une contradiction: il veut participer à la grande confrontation globale sans en accepter les règles. Il nie les règles et lois immuables de l’économie. Qui veut faire l’ange, fait la bête ; chassez le naturel, il revient au galop, voilà ce que les élites devraient méditer. On ne commande à la nature qu’en respectant ses lois.

La notion de travail est un héritage. Un héritage de l’esclavage, un héritage des découvertes de Marx. Plutôt que d’avoir le courage de faire la Révolution et de changer de système, nos zozos français ont peur, ils veulent, en même temps, refuser l’exploitation de l’homme par l’homme, condamner moralement la vente de la force de travail, mais, en même temps, ils acceptent que ceci soit la règle du monde global. Ils s’y inscrivent et ils en redemandent! Bref, ils mélangent tout dans une ragougnasse théorique infecte qu’ils servent aux citoyens ignorants. Nous ne sommes ni sans morale, ni sans compassion, mais, nous n'y pouvons rien,  l’économie fait mauvais ménage avec le mélange et la confusion des genres.

Le tout, sans percevoir que c’est un comportement infantile, socialiste bien sûr, qui consiste à refuser le choix. Etre adulte c'est être capable de choisir, d'assumer ses choix. L’enfant, c’est : « tout est possible en même temps ». Les socialistes sont des enfants pourris, gâtés qui ne peuvent rester enfants que parce que d’autres subviennent à leurs besoins. Ce sont eux les vrais exploiteurs. Pour les socialistes, on peut refuser le marché du travail à l’intérieur et s’en rendre esclave par l’extérieur ; on peut ne pas avoir de «genre», être à la fois homme et femme, et femme et homme, etc. Hélas avec pareilles thèses, la survie de l'espèces aura du mal à y trouver son compte. La transposition à la sphère économique se fait à l'évidence: on ne peut accepter la Loi de la Concurrence et refuser la flexibilité et l'adaptation. Dans un monde de concurrence, la flexibilité est un atout dont il ne faut pas se départir ou qu'il faut reconquérir. Comme le dit Marx, le grain de blé qui est poussé dans la montagne avec beaucoup de peine, une fois rendu dans la vallée a le même prix que celui qui pousse facilement, en bas,  et sans effort! Et vlan sur le bec, pour les tenants de la fixation « morale » des prix des biens et services.

 

Hélas, le réel a la tête dure, il se rebelle et fait retour. La France est un pays de plus en plus inadapté, névrosé, elle marche de plus en plus à côté de ses pompes. Pendant ce temps, les médecins, eux, se font cirer les pompes à l’Elysée, comme le conseiller spécial du président et de Valls avec ses 30 paires de chaussures!

Bruno Bertez, 19 avril 2014

Un commentaire

  1. Posté par Lafayette le

    En conclusion, il faudra encore engager 3 Européen à bas prix pour payer le salaire d’un Suisse.

    Votre aveuglement contre le Smic est certes compréhensible, mais dans un pays ou l’entreprise ne perfectionne pas son personnel, seul le salaire minimum fera bouger certains mécanisme de licenciement après usage.

    Si la France n’avait que des défauts, elle n’aurait plus aucun travailleurs qualifiés.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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