Les déconvenues de l’ouverture et de l’intégration

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France

 

Philosopher disait Hegel c'est « penser le monde » . Faisons un peu de  philosophie sociale. Les choses, pour être cachées et enfouies, sont claires: le contrat social implicite sur lequel reposait l'acceptation de l'ouverture sur le monde, l'acceptation de la globalisation, est rompu. Les peuples ont lâché les proies pour les ombres, ils se sont fait mystifier. Ce qui était caché apparaît au grand jour, c'est la fonction de la crise, elle donne à voir, elle expose le cynisme de ceux qui ont vanté les attrait de l'ouverture.

 

Peu importe que ce contrat n'ai été qu'implicite et que les soi-disant démocrates n'aient pas fait voter dessus. Peu importe que la réalité et les parties et les contreparties de ce contrat aient été secrètes, dissimulées, car on le voit, peu à peu,  tout se  donne à voir, tout se montre au grand jour et les peuples en prennent donc conscience. A leurs dépens c'est vrai, mais ils en prennent conscience et c'est l'essentiel.

 

Le contrat de la globalisation devait forcément être implicitement équilibré, sinon il n'aurait pas été accepté, pas conclu. Pas besoin de le formuler, on le retrouve épars dans les argumentaires des politiciens, des économistes à la botte, des médias, etc. Bref, on le retrouve dans leurs argumentaires. Argumentaires ressortis régulièrement ; à chaque échéance électorale, à chaque fois qu'il y a un choix à faire.

 

C'est à peu de chose près le même argumentaire qui est utilisé pour défendre leur conception du monde global que leur conception de l'Europe. Un argumentaire en trompe l’œil qui, pour se protéger, s'est sacralisé, il se pose comme  parole d’Évangile. Parole révélée qui tire son autorité d'elle même. Le contester, c'est se ranger du côté des ringards, des racistes, des antisémites, que sais-je encore!

 

D'un côté, les peuples devaient y gagner :

 

-        la paix, l'harmonie, la concertation au lieu de la confrontation

 

-        la baisse des prix , la hausse du pouvoir d'achat par les importations moins chères des émergents

 

-        la progression dans l'échelle sociale par l'instruction, l'accès à plus de  savoir

 

-        la réduction de la peine par les machines et les délocalisations

 

-        le fameux glissement de la valeur ajoutée, la valorisation des  savoirs-faire

 

-        des gains de productivité, donc des hausses de salaires selon le schéma Fordien

 

-        une liberté accrue par la disparition progressive des frontières,  des obstacles

 

-        des possibilités de choix de vie élargies, des loisirs

 

-        une accélération de la croissance

 

-        une valorisation de leur épargne, puisque le taux de profit mondial devait progresser.

 

De l'autre côté, les peuples devaient y perdre de l'emploi: car, faute de souplesse, la globalisation crée du chômage par l'arbitrage international des coûts du travail. Les postes de travail devaient être moins nombreux car la concurrence accrue oblige à la productivité; l'accélération des progrès techniques également. Mais ces inconvénients devaient être compensés par la progression des répartitions de solidarité afin de limiter les injustices liées à la perte involontaire de l'emploi .

 

Parmi les pertes, il y avait aussi celle de l'identité et de la spécificité, perte du plaisir du vivre ensemble dans la Famille et la Nation, compensées par l'accès à un monde plus vaste, présenté comme plus enrichissant.

 

Dans la pratique, « ILS » ont menti, triché, volé.

 

Ils ont menti car ils n'ont pas mis en évidence les coûts pour les peuples de cette globalisation, ils ont fait croire qu'il n' y avait que des « plus », aucun « moins ». Ils ont fait croire que l'on allait raser gratis, qu'il y avait des free-lunchs, tombés du ciel. Que ce que les uns gagnaient, les autres ne le perdaient pas. Que le changement était sans douleur.

 

Ils ont triché car ils se sont opposés aux baisses de prix et donc aux hausses de pouvoir d'achat  qui devaient découler des mises sur le marché mondial des produits et fabrications venus des pays émergents. Ils l'ont fait par fixation d'un objectif  de hausse des prix minimum de 2% alors que le jeu spontané de la concurrence devait produire des baisses de prix étalées et régulières de l'inverse, c'est à dire de -2 à -3%. En manipulant la monnaie, en manipulant les taux d'intérêt, ils ont fait en sorte que le gain de pouvoir d'achat soit empoché par les endettés, les kleptos, les banques et les gouvernements. Bref, par la coalition des ultra riches, des fonctionnaires, des banquiers, de la communauté spéculative et les marginaux qui vendent leurs voix contre le plat de lentilles de l'assistanat.

 

Ils on triché car ils ont rompu le contrat social précédent qui reposait sur le partage entre les facteurs de production des gains de productivité. Les gains de productivité, à la faveur de la mise en concurrence des salariés, ont été empochés par le capital, même pas par le capital productif, mais par  le capital financier dont la part dans les revenus nationaux a atteint des pourcentages jamais vus, près de 40% au plus haut aux USA!

 

Ils ont triché, car, maintenant, ils rognent sur les maigres acquis de la globalisation, votre retraite, votre protection sociale, vos soins de  santé, l'éducation de vos enfants, votre sécurité. Pire, alors qu'ils vous ont fait croire que le monde allait être plus sûr, que tout le monde était beau et gentil, à la faveur du raidissement et de la lutte contre la rareté des ressources,  ils vous créent et vous désignent de nouveaux ennemis, préparent de nouvelles guerres.

 

Ils ont triché car la démocratie est battue en brêche par des lois et règlements imposés, venus d'ailleurs et sur lesquels vous n'êtes pas consultés. Votre société, votre « vivre avec » sont détruits, rabaissés, vilipendés, vous en arrivez à culpabiliser d'être comme vous êtes . Au lieu d'en être fiers.

 

Ils vous volent. Tout au long de la phase de montée de la globalisation, le crédit a enflé, au profit des gouvernements, au profit des ultra-riches, au profit des banquiers et de la finance spéculative; au détriment de la vraie épargne et du vrai capital productif. Ce crédit a atteint des proportions usuraires, il ne peut être remboursé, les débiteurs ne peuvent pas honorer;  les banques, si on retirait la respiration artificielle de la FED et de la BCE, sont en faillite. Ils ont pris des risques, ils en ont été enrichis et vous, vous supportez leurs pertes. Et que fait-on? On vous fait peur, on vous dit : vous avez beaucoup à perdre si les banques font faillite! Donc, on vous fait croire qu'il n'y a pas d'autre solution que de maintenir ces banques en vie et de soutenir la valeur de leurs créances. Comment? En spoliant votre épargne, en  en supprimant la rémunération. En vous forçant à prendre des risques que vous n'avez pas les moyens d'assumer. En  diluant votre épargne par des créations monétaires insensées et uniques dans l'Histoire. Et, bien sûr, en augmentant les impôts soutirés par les gouvernements, tout en réduisant les dépenses auxquelles  ils s'étaient engagés, et qu'ils vous doivent.

 

Ils vous volent par un objectif d' inflation  de 2% minimum, par le refus de vous laisser toucher les bénéfices de la baisse des prix des produits que vous achetez, par la création monétaire exponentielle qui va finir par se déverser un jour et précipiter l'hyper inflation,  par les promesses non tenues et le détournement de vos cotisations  anciennes et présentes au profit de la communauté spéculative. .

 

Qu'est-ce que le chantage de la hausse des taux auxquels par exemple la France ou les pays du Sud devraient faire face s’ ils  mécontentaient les marchés et les banquiers? C'est ceci, et cela montre que les gouvernements sont les nouveaux fermiers généraux… au profit des banques et des marchés: « si vous ne payez pas les intérêts sur vos dettes passées, nous en faisons baisser la valeur sur les marchés et ainsi nous vous imposons une hausse des taux sur vos dettes futures et ce jusqu'à ce que vous vous décidiez à marcher droit. Si vous ne marchez pas droit, nous fermons le robinet, comme nous l'avons fait pour la Grèce et autres ». Obéissez, sinon c'est le chaos.

 

La globalisation a été une escroquerie, un marché de dupes. L'ouverture sur le monde ne vous a pas profité, elle n'a profité qu'aux classes dominantes et leurs alliés. Qui s'étonne encore de la progression sans précédent des inégalités, ce qui a pour conséquence d'abaisser et de détruire les classes moyennes? Qui s'étonne encore des bruits de bottes? Qui s'étonne encore des pertes de souveraineté, de dignité et d'indépendance? Pas vous, je l'espère!

 

Bruno Bertez, 16 juin 2014

 

 

 

 

 

Et vous, qu'en pensez vous ?

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