Les rentiers de la gloire, de Copeau

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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Le titre du dernier livre de la collection des Insoumis, éditée par Les Belles Lettres, fait inévitablement penser, à une lettre près, au titre en français du célèbre film de Stanley Kubrick. Il donne déjà le ton de ce volume, celui d'un pamphlet assumé.

L'auteur, énarque et haut fonctionnaire, a pris pour pseudonyme le nom du héros du livre Un bonheur insoutenable, d'Ira Levin. Ce héros, Copeau, se rebelle contre le monde parfait dans lequel il est né et où un ordinateur contrôle tout.

Qui sont Les rentiers de la gloire? Les politiciens. Copeau les connaît bien pour les observer de l'intérieur du système depuis quinze ans. Au nom de quoi les politiciens interviennent-ils? De l'intérêt général. Le gros mot est lâché.

Qu'est-ce que l'intérêt général? Un prétexte "pour justifier leur action, ce qui leur permet d'attenter impunément à la liberté et à la propriété d'autrui". Car ce qu'ils appellent intérêt général, si on l'examine de près, n'est jamais "qu'un intérêt particulier, ou l'intérêt d'une portion de la population".

En réalité l'intérêt général n'existe pas. Et les politiciens n'ont en fait qu'un but, leur réélection. Et pour cela, que doivent-ils faire? Plaire à suffisamment d'électeurs pour atteindre ce but. Comment leur plaire? En leur faisant des promesses.

Les politiciens ne produisent donc rien d'autre que des biens collectifs "qui ne sont pourtant pas nécessairement demandés par toute la population, mais au moins par certaines catégories de citoyens".  Et en échange, ces citoyens-là, qui constituent leur clientèle, votent pour eux.

Les biens collectifs en question doivent séduire une majorité d'électeurs. Pour être persuasifs, les politiciens doivent être démagogues et leur faire croire qu'ils sont leurs bienfaiteurs avec... leur propre argent. Parce que les politiciens ne produisent pas de richesses, ils en confisquent aux uns pour les donner aux autres, et en gardent une partie pour eux.

Les politiciens pratiquent une seule vertu, qui n'en est pas une au sens ordinaire, la vertu politique. Car, pour faire fortune politique, il leur faut être habiles, rusés, roublards. Ils ne peuvent pas être honnêtes, puisqu'ils sont immanquablement amenés à faire des promesses intenables, c'est-à-dire à mentir, effrontément:

"Mentir, c'est souvent promettre n'importe quoi, n'importe comment et à n'importe qui. Mais c'est aussi parfois masquer les faits, les arranger, mentir par omission, pour ne pas dire manipuler les électeurs."

Les politiciens sont-ils moralement irréprochables?

- "La corruption fait partie intégrante de leur mode de fonctionnement courant." (voir, par exemple, Andreotti, Berlusconi etc.)

- "Le népotisme est chez eux une seconde nature." (voir, par exemple, Jean Sarkozy, Amin Khiari, Salomé Peillon etc.)

Les politiciens essaient de faire croire qu'ils savent mieux que les autres ce qui est bien pour eux: ils seraient infaillibles; ils seraient capables de changer non seulement le monde mais l'homme.

Les politiciens ont "un surmoi puissant", "un moi très développé". Ils sont valorisés par leur entourage pour ce qu'ils font. Résultat:

- Les politiciens sont volontiers caractériels, bornés, impatients;

- Ils croient tellement en leur bonne étoile qu'ils en deviennent arrogants;

- Ils se croient tout-puissants, au point de vouloir "disposer d'autrui corps et âme".

Pour compléter le tableau, Copeau ajoute que les politiciens sont évidemment dotés d'une grande intelligence. Ils ont été aux études et sortent tous des plus grands moules de la République, l'ENA, l'X et Normale Sup:

"Mais ceux qui méprisent l'homme, qui en font un moyen au service de leurs desseins plus ou moins avouables, ne seront jamais de grands hommes."

Copeau n'affirme rien gratuitement. A partir de faits et de traits observés chez les politiciens, parfois connus du grand public, il donne les exemples emblématiques et détaillés de cinq personnes qui exercent ce métier lucratif de politicien:

- Edouard, "qui a fait de la politique son métier, son privilège, et qui n'a, aussi loin que l'on puisse aller, jamais exercé de véritable métier, même dans l'administration";

- Olivier, un pur qui considère que "son devoir à lui, sa vocation même, consiste à contribuer à créer une société nouvelle pour un homme nouveau";

- André, un maire qui "est plutôt du genre à promettre tout et n'importe quoi, à n'importe qui";

- Loik, qui, pour trouver des financements, "n'hésite pas, parfois, à prendre des libertés avec les règles de la probité" et qui "pratique le clientélisme comme d'autres la peinture ou la sculpture";

- Cécile, qui, pour s'enrichir, se sert des armes du privilège - "un privilège suppose quelqu'un pour en jouir et quelqu'un pour le payer" - et du passe-droit - "elle adore la sirène deux-tons de son chauffeur".

Copeau conclut qu'il faut "se protéger de l'influence néfaste des élus":

"Nous ne cherchons pas de bons maîtres, ni à être de bons maîtres.

Nous ne voulons simplement pas d'esclaves."

Parmi les nombreuses citations qui émaillent ce pamphlet, toutes bienvenues (de Jules Verne, de Frédéric Bastiat, d'Ayn Randt, du Cardinal de Retz ou de George Bernard Shaw) il en est une qu'il me plaît de citer à mon tour:

"L'enfant croit au Père Noël. L'adulte non. L'adulte ne croit pas au Père Noël; il vote."

Pierre Desproges

Francis Richard, 16 octobre 2015

Publication commune Lesobservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

Les rentiers de la gloire, Copeau, 92 pages, Les Belles Lettres

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