Koeppel R. Die Weltwoche, Edito 18.10.2016 : « Le risque Clinton. Trump plus honnêtement hypocrite qu’Hillary ».

 

Éditorial

Le risque Clinton

Trump plus honnêtement hypocrite qu'Hillary.

De Roger Köppel

 

La plupart des journalistes et des faiseurs d'opinion sont effarés. Ils trouvent terrible la teneur du deuxième débat télévisé entre Hillary Clinton et Donald Trump. Ils estiment le niveau lamentable, primitif, haineux, crispé et dans l'ensemble indigne d'une discussion présidentielle américaine.

Alors que Clinton s'en sort généralement bien, Trump est, bien sûr, couvert d'invectives, la plus indulgente étant encore l'accusation de «machisme». Il est donc permis d'en déduire, sans surprise, que la plupart des médias sont favorables à Clinton et contre Trump. Hillary est à gauche, Trump à droite.

Rarement une campagne électorale été décrite avec autant de partialité.

De toute évidence, les récentes révélations n'étaient pas particulièrement réjouissantes pour Trump. Des enregistrements privés d'il y a onze ans ont fait surface dans lesquels Trump, alors âgé 59 ans, se vante de son attractivité sexuelle, mais aussi de ses tentatives de séduction infructueuses. Il dit se sentir «irrésistiblement» attiré par les belles femmes, comme un «aimant». Il commence tout simplement par les embrasser, oui, même par leur passer la main entre les jambes. «Tu peux tout faire. Quand t'es une star, elles te laissent faire.»

Le tollé a été immense. Le camp Clinton a tweeté et retweeté sa colère extatique. Des ténors républicains ont retiré en cascade leur soutien à Trump. Les enregistrements étaient déplacés et embarrassants, mais Trump n'avait fait qu'exprimer avec ses propres mots, ce que l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger avait une fois formulé plus élégamment sous les applaudissements généraux: «Le pouvoir est l'aphrodisiaque ultime pour les femmes».

Bizarre que ce soit justement Hillary Clinton qui fasse étalage de son horreur soi-disant sans bornes pour le sexisme de Trump au cours du débat télévisé. Beaucoup d'Américains ont dû se demander pourquoi Clinton s'énervait tant. Hillary, qui a jusqu'à présent toléré de son mari Bill les pires infidélités et les affaires les plus scabreuses, a donné l'impression que son indignation vis-à-vis de Trump était surjouée et artificielle. Tout ce que Bill a fait avec les femmes pendant sa présidence était, si l'on veut porter un jugement, plus honteux que ce que le candidat Trump a dit il y a onze ans sur les femmes. Si l'indignation d'Hillary avait été sérieuse, elle aurait divorcé depuis belle lurette.

Je ne suis pas en mesure de dire si ces révélations vont nuire à Trump. On n'a pas enregistré le magnat de l'immobilier en train de planifier un viol ou un crime crapuleux. Il a simplement exprimé ce que beaucoup d'hommes disent entre hommes ou dans des vestiaires. On préfère ne pas savoir comment les femmes parlent de leurs maris entre elles. Les personnes qui rapportent ensuite ce genre de propos ou les enregistrent manquent au moins autant de décence que les choses dites dans de telles situations. L'infamie du traître neutralise moralement la grivoiserie honteuse des enregistrements.

Il est éloquent que des personnes si correctes et convenables se focalisent maintenant sur les caleçons de Trump. Hillary Clinton aime à citer Michelle Obama qui lui a dit: «Quand il descend, tu montes.» Dans quelle mesure s'emparer politiquement des vantardises sexuelles privées de Trump fait «monter» reste un mystère. Les derniers événements mettent toutefois en évidence que les arbitres de la morale qui entourent Hillary Clinton sont, le cas échéant, tout aussi habiles pour fouiller dans la fange que l'homme qu'ils accusent d'être le seul à le faire.

Bien sûr, Trump est aussi un hypocrite, mais peut-être l'est-il plus honnêtement qu'Hillary. Curieusement, ce showman fort en gueule reste perçu comme plus authentique que l'aseptique élève modèle. Elle est l'incarnation que rien ne changera dans la politique. Trump représente la vague possibilité d'espérer que quelque chose puisse changer. Si les Américains votent pour lui, ce ne sera pas à cause de ses dérapages patents, mais en dépit de ceux-ci.

La méchanceté créative avec laquelle le camp Clinton a attaqué Trump est révélatrice. La réalité ne correspond pas à ce qu'écrit la majorité de la presse qui prétend que cette campagne voit s'affronter une femme politique cultivée avec un programme mûrement réfléchi à un Néandertalien blond, inculte en politique et en gouvernance. Trump est très violemment attaqué justement parce qu'il incarne par sa personne et ses idées un contre-projet brutal au statu quo et à ses profiteurs.

Clinton contre Trump, c'est l'establishment contre les outsiders, l'internationalisme contre le nationalisme, plus d'État contre moins d'État, des milliards de déficit contre la réduction des dépenses, l'augmentation des impôts contre leur baisse, les frontières ouvertes contre le contrôle des frontières, le multiculturalisme contre le cœur de l'Amérique blanche, l'académisme contre le bon sens, le politiquement correct contre le parler franc, les bien-pensants contre «ceux qui sont à plaindre». Les membres de l'establishment détestent Trump parce qu'ils pressentent qu'il représente une réelle menace pour eux.

Après le Brexit, l'élection de Trump serait le deuxième acte libérateur contre la divine élite politique, polyglotte, autosatisfaite, qui se fait passer pour démocratique, tout en agissant en aristocrate. Si les Américains l'envoyaient réellement à la Maison Blanche, ce serait un tremblement de terre dont les répliques frapperaient également l'UE et ses mandarins arrogants à Bruxelles. Peu à peu se précise l'impression que l'élection du tapageur Trump pourrait être un moindre mal que la poursuite de ce que le nombre étonnamment grand de ses partisans aimerait voir balayer.

Source et lien vers l'article et la Weltwoche de la semaine, ici

6 commentaires

  1. Posté par Aude le

    Les éditoriaux de M.Koeppel sont toujours excellents et d’une analyse pointue….
    Pour ma part, cette propagande électorale américaine était du niveau du bas de la ceinture…au sens propre et figuré….
    D’aucuns se sont amusés à fouiller dans les poubelles passéistes privées renchérissant les faits afin d’occulter les enjeux réels de cette campagne….
    Cela ne suffisant, les journalistes les plus merdiques en rajoutaient lors des débats…
    Allons…bon nombre d’hommes (voire aussi de femmes de pouvoirs n’accumulent ils pas ses conquêtes et autres joyeusetés…Eh oui…le pouvoir, la célébrité ont toujours fasciné les humains..
    Un rêve…par procuration…Fort heureusement, il existe encore des femmes et des hommes libres.
    Le peuple américain, à certains égards, me semblent outrageusement puritain . Il considère les frasques sexuelles tellement plus importantes que la corruption qui sévit au plus au degré de l’Etat!!
    Certes, la majorité de la presse (financée par les gros lobbys) avait grand intérêt à jouer cette comédie ne souhaitant nullement abonder sur la remise en question de la corruption des élites….
    Un enfumage comme j’amais vu dans une telle élection. Ajoutons toutefois que cette gangraine est mondiale…
    Les américains électeurs sont invites à la table des pauvres ignorants à qui ont sert une soupe bien amère.
    On peut en mesurer là toute la sous-estime que les zélites du pouvoir financier et politique accorde au peuple américain. Pour un bulletin de vote, ils sont capables de tout, of course, il en va de leurs privilèges à maintenir coûte que coûte.
    Pas besoin d’être devin pour savoir qu’Hillary Clinton…continuera la politique d’Obama….dans sa version la plus mauvaise…elle en a fait preuve, et de quelle manière dans son ancien job…
    Mister Trump, lui veut casser la baraque…s’occuper un peu mieux de l’économie interne des USA….et ne plus guerroyer à tort et à travers afin d’asseoir la suprématie de l’Oncle sur le monde. Un peu de paix…est-ce trop demander…..Pardieu oui…
    Pour la caste des mondialistes tout tendance confondue, les faucons et autres grands prédateurs mondiaux c’est la fin des haricots….Adieu..veaux, vaches, cochons, couvées…
    Ce qui, au demeurant… est fort inquiétant est cette collusion…ce mariage incestueux entre le socialisme international et le mondialisme financier….Tout deux ont le même but mais leurs idéologies sont diamétralement opposés…
    C’est une première dans notre histoire…et les dégâts seront immenses….
    D’ores et déjà il est dérisoire de chercher à comprendre la raison pour laquelle les peuples votent de plus en plus…populiste ou nationaliste…..

  2. Posté par aline le

    Dans l’édition de mercredi du journal Le Temps une journaliste appelait Trump « un âne », « un cochon ». Mais pas un mot sur le comportement abominable de Bill Clinton vis-à-vis des femmes pendant sa présidence. Ce journal de « référence » a atteint son plus bas niveau.

  3. Posté par Antoine Gayet le

    Un éditorial bien plus réfléchi que celui de la Tribune de Genève d’aujourd’hui… (http://www.tdg.ch/editorial/antimodele-americain/story/27752169)
    où le soit-disant rédacteur en chef écrit: « Tout a été dit de Donald Trump, entre autres par un Robert De Niro tranchant. Trump, le milliardaire au-dessus des lois, le harceleur, le sexiste, le menteur, le salace, le chien d’attaque, le raciste, le porc, l’incompétent. Il souffre à l’évidence de troubles de la personnalité. »
    Ce qui est singulier est que 1) la diffamation est flagrante, 2) De Niro a insulté Trump et a appelé à le « frapper à la face »…. En conclusion, les insultes et menaces de De Niro sont paroles d’évangile tandis que les propos bien plus modérés de Trump sont scandaleux?
    Et bien entendu, pas un mot sur les collusions de Clinton avec Wall Street, ses mensonges à son électorat (cf. discours à Goldman Sachs), ses collusions avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, le monnayage de l’aide humanitaire à Haiti (contre des espèces pour sa « fondation ») ou encore mieux: ses liens et les liens de Soros avec … le fabricant des machines de vote.
    Du grand journalisme

  4. Posté par Sergio le

    Jamais le débat politique n’aura atteint un tel niveau. Ce ne sont qu’attaques personnelles et insultes. Le plus consternant est que l’Amérique n’ait produit que ces deux prothèses comme candidats à l’élection présidentielle, c’est effrayant.

  5. Posté par Elsaesser le

    « Il est tellement stupide. C’est un minable, un chien, un porc, un arnaqueur qui ne sait pas de quoi il parle, qui ne travaille pas ses sujets, qui n’accorde d’importance à rien, qui pense qu’il joue avec les gens, qui ne paie pas ses impôts », entame l’acteur, en faisant allusion à la révélation du New York Times sur les impayés du milliardaire. »
    Propos du saltimbanque robert de niro, archétype du parfait « démocrate » globaliste, et supporter inconditionnel de la belliqueuse septuagénaire killiary, corrompue jusqu’à l’os !
    http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/08/lacteur-robert-de-niro-sen-prend-violemment-a-donald-trump/

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