RIE III, la tentation de la colère

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

La campagne pour RIE III est mal engagée. Un dernier sondage gfs.bern donne le Oui en tête à 45% contre 44% pour le Non, avec -5% et +9% respectivement depuis la précédente enquête. L'opposition a donc le vent en poupe. Elle appelle à la mobilisation pour passer l'épaule.

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Le sondage montre que les partis de gauche sont très mobilisés. À droite et au centre-droit, seul le PLR convainc ses partisans ; l'UDC et le PDC peinent à rassembler leurs sympathisants. Le duel est donc bien plus équilibré que prévu.

De façon empirique, le rejet envers RIE III semble relever d'une certaine colère - il suffit de lire les commentaires de mon premier billet en rapport. La révolte gronde - contre les élites, contre ces multinationales qui exigent et obtiennent des faveurs, contre Économie Suisse, contre ces Conseillers d’État de divers cantons qui viennent pleurnicher, la larme à l’œil, que des magouilles comme les intérêts notionnels sont la bonne solution. Ils tiennent le haut du pavé en matière d'autorité et de moyens, mais leur matraquage continuel finit par être contre-productif. Les gens détestent qu'on leur force la main.

En face, les socialistes et leurs alliés font une campagne efficace. Ils crient contre la baisse des rentrées fiscales, attisent la jalousie, réclament que les riches payent leur écot. Ils passent sous silence que RIE III est le résultat de leurs propres efforts auprès de l'OCDE pour empêcher les pays de disposer de régimes fiscaux spéciaux...

Le pivot de cette campagne tient précisément à cet aspect: avec ou sans RIE III, une réforme fiscale est inévitable. Les socialistes le taisent volontairement et les partisans de RIE III ne parviennent pas à l'expliquer.

Le vote sur RIE III est ambigu car il laisse croire que les Suisses choisissent entre RIE III et rien du tout, ce qui est erroné. En réalité, ils votent pour RIE III et, s'ils refusent, une future RIE IV.

RIE III ne séduit pas, même parmi ceux qui l'acceptent. Mais refuser RIE III ne permettra pas de revenir dans le confortable monde d'avant. Il appartient à un passé révolu, comme les dinosaures. Les règles de l'OCDE ont changé. Refuser cet état de fait revient à mettre la Suisse sur tout un tas de listes noires et à lui faire subir autant de mesures de rétorsion de la part des 34 autres pays membres représentant 80% du PIB mondial.

La question n'est donc pas de voter pour RIE III ou pour le statu-quo, mais de voter pour RIE III ou de sauter dans l'inconnu.

Personne ne sait de quoi sera fait cet inconnu, mais différentes études montrent clairement qu'entre l'incertitude légale et le risque d'une double-imposition, les multinationales quitteront la Suisse en masse et à une vitesse surprenante. Le vieux fantasme de la gauche de saigner les riches entreprises internationales avec le même taux que subissent les PME helvétiques captives ne se concrétisera pas. Elles s'enfuiront avant de passer à la moulinette fiscale.

Une RIE IV aura beau intervenir plus tard, dans la panique, il n'y aura probablement plus grand-chose à sauver. En attendant, les recettes fiscales s'effondreront bien davantage qu'avec l'adoption de RIE III (on parle d'un facteur de x10). Les naïfs qui rejetèrent RIE III pour "maintenir les prestations sociales" risquent de déchanter. Ils seront les premiers à écarquiller les yeux, stupéfaits, mais il sera trop tard.

Vous en doutez? L'explication est pourtant sous nos yeux - dans RIE III elle-même. D'où sortent les intérêts notionnels, la patent box ou la déclaration des réserves latentes tant décriés par la gauche? Ces techniques ne viennent pas de l'imagination fertile des experts fiscaux de l'administration. Le Conseil Fédéral a tout simplement mis dans la "boîte à outil" des pratiques qui ont lieu, telles quelles, dans d'autres pays de l'OCDE.

Il n'y a aucune mesure inventée par la Suisse dans RIE III - juste un modeste échantillon des techniques employées par des pays concurrents de la Suisse pour attirer des multinationales. Lorsqu'un CEO de multinationale décide de déplacer le siège de son entreprise, il n'a que l'embarras du choix.

Mais qui a besoin de multinationales, me direz-vous? Chassons-les et logeons des migrants syriens dans leurs locaux désaffectés, voilà comment nous assurerons notre prospérité! Nous voilà sortis d'affaire! Les Suisses n'auront pas tué la poule aux œufs d'or, ils l'auront chassée.

Les Suisses sont-ils devenus naïfs au point de penser qu'une victoire de la gauche unie contre la droite unie donnera un résultat économiquement favorable à la Suisse? Au vu des sondages, par esprit de révolte, lassitude et rancœur, certains semblent prêts à tenter ce pari insensé.

Comme dans certaines scènes de ménage, fracasser la vaisselle est peut-être libérateur sur le moment, mais ne laisse qu'un triste champ de verre brisé le lendemain.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 3 février 2017

15 commentaires

  1. Posté par Chrigu le

    Notre gouvernement fait des courbettes à l’UE, des courbettes aux entreprises, des courbettes aux migrants, mais jamais notre gouvernement ne fait des courbettes à notre peuple. Ils se comportent avec nous comme un certain policier D’Aulnay sous bois…

  2. Posté par Robert le

    M. Montabert, la RIE III, c’est le boulevard de l’immigration et des cadeaux aux actionnaires étrangers. Et tout ça payé par la classe moyenne et sur le dos des retraités, qui toucheront encore moins (car il faudra bien économiser quelque part non?). Le CF nous prend vraiment pour des c… Je me demande bien pourquoi l’UDC joue ce jeu de dupe. Il faut refuser aussi Forta: + 4 centimes sur l’essence ET hausse automatique en fonction du renchérissement. L’inflation va redémarrer bientôt et ce sera 3 à 4 centimes de hausse… par an. Et la droite, UDC comprise, soutient ce projet. Je voterai libéraux conservateurs, s’ils ne sont pas alignés sur les vendus de l’UDC

  3. Posté par Stephane Montabert le

    Sandy Ob: « Les taux avancés dans cette campagne sont supérieurs à celui de l’Irlande que vous mentionnez. Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui puis au lendemain d’un oui les entreprises à déménager en Irlande ou ailleurs ? »

    Nous n’avons pas la moindre garantie. On a tendance à l’oublier, mais RIE III est une sérieuse hausse d’impôts pour les multinationales! Si baisse des rentrées fiscales il y a, c’est à cause du taux unique appliqué aux PME helvétiques. Le « cadeau fiscal » est donc fait aux entreprises suisses, et absolument pas aux multinationales!

    Il est donc possible (et vraisemblable) que certaines multinationales quittent la Suisse au lendemain d’un Oui à RIE III. Tout au plus peut-on espérer qu’elles ne seront pas nombreuses à le faire, et que les pertes fiscales seront compensées par les impôts plus élevés payés par celles qui restent. Mais le taux ne fait pas tout ; la régularisation de la situation suisse auprès de l’OCDE et la stabilité du cadre fiscal sont de la plus grande importance pour ces entreprises – deux conditions essentielles qui ne seront pas réunies avec un refus de RIE III.

  4. Posté par pierre frankenhauser le

    Bien que je sois comme vous en colère contre la CF, qui s’est payé notre tête concernant l’application de l’initiative contre l’immigration de masse, je me refuse toutefois d’adopter une posture idéologique concernant la RIE III. Soyons pragmatique. Cette réforme aura été réalisée sous la contrainte de l’OCDE. Si on la refuse, les conséquences risquent réellement d’être désastreuses pour notre économie, et par ricochet, pour tout notre tissu social, nos infrastructures, notre niveau de vie, etc.

    Dans le canton de Vaud par exemple, où un taux unique de 13.79% a été accepté par 87.12% des votants, si la RIE III venait à passer à la trappe, eh bien un taux unique d’environ 23% le remplacerait dès 2019. Alors autant dire qu’en plus de quasiment toutes les multinationales étrangères qui prendraient la poudre d’escampette, les multinationales suisses seraient tentées de faire de même, puisqu’elles perdraient un rabais d’impôts de 10%. Certaines de nos PME également. Combien d’emplois directs et indirects sont générés en Suisse par les multinationales et les grosses PME, helvétiques et étrangères ? Probablement plusieurs centaines de milliers. Combien de millions versent annuellement ces mêmes sociétés pour financer des chaires de recherche à l’ETHZ et l’EPFL ? Et virer les 300’000 frontaliers actifs en Suisse, même si je pense qu’il y en a beaucoup trop, ne compenserait certainement pas tout, certaines compétences étant immanquablement perdues.

    On ne peut pas simplement crier haut et fort: « Nous ne céderons pas au chantage ». Là, le risque me semble bien trop sérieux pour être pris à la légère. Je n’ai pas envie que la Suisse retourne un ou deux siècles en arrière, avec son lot de pauvreté, sous prétexte que les parlementaires fédéraux se sont bien foutus de nous concernant le 9 février 2014.

    Le territoire suisse a eu la chance d’être épargné par les deux guerres mondiale, ce qui a notamment permis à notre pays d’accueillir les organisations internationales (nous conférant une influence diplomatique enviée pour un pays si minuscule) et de très nombreuses multinationales. Alors ne foutons pas tout ça en l’air sur une votation si cruciale. Il y aura bien d’autres occasions de régler nos comptes politiques avec nos dirigeants.

  5. Posté par sandy Ob le

    Les taux avancés dans cette campagne sont supérieurs à celui de l’Irlande que vous mentionnez. Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui puis au lendemain d’un oui les entreprises à déménager en Irlande ou ailleurs ?
    Nous savons tous aujourd’hui que ce sont les entreprises qui gouvernent et qu’une partie des politiques ne font plus ce pourquoi ils sont payés. Un vote de la colère reste notre seul moyen à nous Suisses de réagir, pour l’instant du moins. Le non respect des décisions du peuple comme on voit aujourd’hui montre bien que nous avons basculé dans un régime ploutocratique qui doit être combattu. Alors quand je vote, je me pose la question : à qui cela profite réellement, plutôt que regarder avec angoisse ces diables qu’on peint sur nos murailles…et là c’est clairement NON à la RIE III.

  6. Posté par Olivia le

    Refuser ce gros paquet alourdi à outrance (la RIE III) est une obligation et une obligation morale pour n’importe quel citoyen Suisse qui dispose encore ne serait que d’un neurone!!!

  7. Posté par My Suisse le

    Nous on a voté NON! Souvenez-vous la votation pour améliorer l’AVS de Fr. 250.–, PLR et UDC étaient contre, ça coûtait trop cher! Sans rappler la non-application de l ‘initiative contre l’immigration!

  8. Posté par fleeps le

    Nos impôts augmentes, nos conditions de travail se détériores, notre productivité augmente, nos retraites sont toujours plus maigres, la votation du 9 février nous avaient donné l’espoir d’un retour à la normale, même pas….rien….des peanuts, et maintenant faudrait donner un cadeau fiscal…..donc si je comprend bien en abaissant la fiscalité des entreprises, les citoyens suisses s’appauvriront plus lentement, parfait comme plan durable, parfait comme conditions pour les générations futures, le monde devient vraiment fou….on accepte 100 milles personnes de plus par année et on voudrait donner encore plus de marge aux grandes entreprises pour engager plus

  9. Posté par Pascal Guex le

    J’ai voté NON à toutes les propositions. Tant que la constitution n’est pas appliquée.

  10. Posté par Stephane Montabert le

    @Aldo: Voter Non aveuglément à tout sans même regarder la question posée? Désolé de vous le dire, mais votre indignation manque de discernement. Et en fin de compte, je me demande si vous êtes sincèrement ce que vous prétendez être.

    Quand à savoir où iront les entreprises au lendemain du Non, les points de chute ne manquent pas: Irlande (12,5% d’imposition), Luxembourg, Malte, etc. Et si elles veulent rester en Europe et hors de l’UE, maintenant, il suffit d’aller à Londres.

  11. Posté par Don Aldo le

    Bon argument mais NON à la RIE3 parce que la démocratie a été bafouée par nos autorités et tant que le le processus démocratique n’est pas rétabli, le peuple doit voter non. D’autre part, avec l’élection du Donald aux USA , la faillite de l’euro, une crise financière qui bout en Europe, aucune entreprise gérée avec clairvoyance ne va quitter la Suisse. Pour aller où? Les américaines risquent fort de rentrer aux US avec ou sans RIE3, quelle entreprise serait assez folle pour aller en EURSS, ou sur une île perdue ds l’Atlantique? Et si notre personnel politico-diplomatique reste aussi nul et lâche que ce qu’il a été ds un passé récent, la seule décision valable c’est licenciement immédiat eg sans indemnité! Seul un NON à RIE 3 peut sauver la Suisse.

  12. Posté par aldo le

    Le C.F. viole la constitution avec la non-appplication de l’initiative contre l’immigration de masse et nous devrions continuer à voter ses propositions comme si rien ne c’était passé. Tant que le processus démocratique n’est pas rétablit,

    J’APPELLE LES SUISSES A VOTER SYSTEMATIQUEMENT NON A TOUTES LES PROPOSITIONS DU C.F., TANT QUE LA DEMOCRATIE ET LES DROITS DU PEUPLE NE SONT PAS RÉTABLIS DANS LE RESPECT DE LA CONSTITUTION !

    La dictature européenne voulue par le C.F. ne doit plus avoir le droit de parole ! C’est l’ASIN qui doit prendre ce cheval de bataille pour rendre inopérant le complot des imposteurs pro-européens du C.F. en paralysant toutes leurs propositions et qu’ils démissionnent s’ils ne sont pas contents.

  13. Posté par Dominique Baettig le

    Si le vote blanc existait ( abstention active, ni oui ni non) je le pratiquerais. Il n’existe pas donc c’est non…et ce n’est pas du tout pour les mêmes raisons que la gauche, qui ne vaut guère mieux que la droite économique

  14. Posté par groudonvert le

    Avec l’UE qui envisage de nous mettre sur liste noire avant même que le résultat ne soit connu ?

  15. Posté par Pierre Steiner le

    Stéphane Montabert a raison. Ceux qui refusent la RIE3 n’ont pas compris les conséquences que cela auraient. Cela dit, c’est vrai aussi que les milieux politiques et économiques qui la défendent ont perdu toute crédibilité auprès d’un large spectre de la population à cause de leurs prises de positions hostiles aux intérêts des citoyens depuis un certain temps déjà. Les gens ne les écoutent plus et ne les croient plus. Voilà le résultat du mépris affiché par nos élites. Leur crédit est épuisé et notre démocratie affaiblie.

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