La « Suisse colonialiste » ou midi à 14 heures

Stefan Racovitza
Chercheur en sciences humaines, journaliste indép.
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Il n’y a pas longtemps, je suis tombé par hasard sur un exemplaire de la revue intitulée Horizons (nr. 94 de septembre 2012), éditée par le Fonds national suisse pour la recherche scientifique. En la feuilletant, un titre m’accroche: Globi est un Afro-Suisse.

Le texte en question contient un entretien accordé par Mme Patricia Purtschert à M. Urs Hafner, situé aux pages 40 et 41 de la revue mentionnée.

On apprend ainsi que Globi est un personnage publicitaire lancé par les magasins d’outre-Sarine Globus, puis celui d’une série BD à succès qui, il me semble, vit encore aujourd’hui. Donc, grand succès commercial et public, prolongé dans le cinéma d’animation. A sa naissance, au début des anées 30, la mission de Globi était de faire de la publicité pour les denrées coloniales, thé, café, cacao, épices, pour le coton et autres, vendus par les magasins Globus de Suisse allemande: « Le nom de l’entreprise Globus véhicule l’élargissement global de ce segment de marchandises et donc la mondialisation ».

Autrement dit, Globus participe (aujourd’hui) à la mondialisation, donc à l’exploitation du Tiers-Monde, à la destruction de l’environnement et à la paupérisation des populations des pays pauvres. Il s’agirait donc d’une connotation fortement négative collée à la marque Globus. En quelque sorte et vue rétroactivement, avec les lunettes d’aujourd’hui, cette mission doit être le début d’une conspiration mondiale capitalo-néo-colonialiste des premières décennies du siècle passé, préfigurant la mondialisation avec toutes les conséquences apocalyptiques qu’elle a engendrées durant ce siècle d’existence.

Globi au Congo

Comme les denrées et produits coloniaux sont, de par leur nom même, porteurs d’horribles stigmates, Mme Purtschert rejoint et nourrit la bien-pensance environnante pour affubler Globi, personnage de BD, de moeurs colonialistes et, pour finir, d’affirmer que « la Suisse entretien une tradition colonialiste »(*) en dépit du fait qu’elle n’a jamais eu de colonies.
Mme Purtschert, diplomée en Philosophie et auteur de plusieurs ouvrages, est collaboratrice scientifique auprès de la chaire de philosophie de l’EPF de Zürich et membre du « Centre du savoir de Zürich ». Elle a étudié à l’Université Legon de Ghana, puis a suivi l’enseignement de Judith Butler à Berkley aux Etats Unis(**). Dans son projet Ambizione elle étudie actuellement « le colonialisme suisse sans colonies ». Cet horrible boulet, attaché à la cheville (probablement droite) de la Suisse, est basé sur l’analyse de plusieurs livres pour enfants, que Mme Purtschert a passé au crible.

Voici en clair, le concentré de la pensée scientifique de Mme Purtschert concernant ce problème: « Même si elle n’a jamais eu de colonies, la Suisse entretient une tradition colonialiste ». Ni plus, ni moins. Autrement dit, à force de boire du thé, du café, de manger des fruits exotiques, du chocolat (ou bu chaud), d’épicer ses plats, de se vêtir de coton, de marcher avec des semelles en caoutchouc naturel sur des tapis de jute, entre autres, la Suisse a rejoint les puissances ex-coloniales, mouvement auquel Globi, le personnage BD mi-homme mi-perroquet, n’est pas étranger, mais plutôt un précurseur. Voici quelques prolégomènes de cette théorie (s’agissant d’une recherche en philosophie, ce terme me semble bien à sa place).

« Lors de son voyage autour du monde, 1935, il (Globi - note de l’auteur de ce texte) se montre sous un jour clairement colonialiste. Il s’arroge, comme allant de soi, le droit de pénétrer dans un territoire inconnu, il porte un chapeau de chasse, une arme et une ceinture à munitions. Son rapport aux Africains – le plus souvent des guerriers à demi-nus et naturellement des cannibales – est irrespectueux. Il retire un collier à une Hotentote et les lui lance à la tête comme si elle était la tige d’un jeu de lancer d’anneaux».

Elle a eu de la chance l’Africaine, Globi aurait pu jouer au lancer de Hotentotes, ou bien, en bon Suisse, à la flèche dans une pomme.

Rééducation

Passant à un autre livre pour enfants, Globi chez le rhinocéros, 2007, Mme Purtschert admet que celui-ci commence à faire « preuve d’un certain respect dans ses rapport avec les populations locales », vues enfin comme « modernes et urbaines ». Ouf, au fil du temps Globi semble s’amender, mais voyons comment. A la question: Globi a donc fait des progrès ? Mme Purtschert répond: « De prime abord son attitude est un peu moins raciste, mais l’action présente certaines continuités coloniales: son avion vient à peine d’atterrir que Globi se pose déjà comme un sauveur, qui explique aux africains comment s’y prendre pour protéger leurs rhinocéros » (comment qualifierait Mme Purtschert les personnes impliquées sur place dans la distribution des aides alimentaires venant de Europe ?). Comme si les responsables de l’extinction de certaines espèces étaient les Inuits, les Aborigènes d’Australie ou les Papous de la Nouvelle-Guinée, ou comme si la protection d'espèces en voie de disparition était un monopole moral, théorique et logistique incontesté des Africains. Mme Pourtschert semble ignorer que les plus impliqués dans la lutte pour la sauvegarde des espèces en voie de disparition sont d’abord les Occidentaux et beaucoup moins les indigènes d’Afrique, « guerriers cannibales à demi-nus », visités par Globi.

« On n’échappe pas non plus à la crapule de bas étage sortie tout droit des archives coloniales, sauf qu’il ne s’agit pas d’un Africain, mais d’un Chinois (...) ». Serait-ce un adoucissement du colonialisme africain ou simplement le négation de l’existence des «crapules de bas étage » en dehors des peuples occidentaux ? Plus loin, Mme Purtschert affirme que ce Chinois « qui mène des activités criminelle en Afrique de l’Est rejoint la perception actuelle du rôle de la Chine en Afrique ». Elle semble ignorer aussi que la Chine, malgré ses performances économiques, reste un pays totalitaire, non-démocratique, qui s’encombre peu ou pas de principes moraux, que se soit en Chine, en Afrique ou ailleurs. Aurait-elle protesté si la crapule de bas étage était un Américain ou un Européen ? Faut-il rappeler que les Laogai (goulag local) existent encore ? Ainsi Mme Purtschert semble réciter les antiennes «progressistes » à la mode, présentes dans le répertoire, quelque peu affadi, du choeur des pleureuse occidentales. En fait, elles constituent les « hypothèses » de ses recherches. Elle l’affirme d’ailleurs en toute franchise: « Mon intention n’est en aucun cas d’estomper les différences entre notre pays et les puissances coloniales ».

Le racisme, ce tabou

A la question Dans quelles domaines l’attitude colonialiste de la Suisse vous a-t-elle particulièrement frappée ? Mme Purtschert répond: « Je suis impressionnée par la force avec laquelle on refuse d’aborder ne serait-ce que la question du colonialisme et du racisme. A côté du racisme explicite, il existe en Suisse un racisme quotidien, largement ancré et vraiment tabou ».

Mais où vit-elle Mme Purtschert ? La presse politiquement correcte (fortement majoritaire en Suisse) déborde de dénonciations du racisme et de la xénophobie, pratiquement peu visibles au rang de la population suisse. L’ignore-t-elle ? C’est probablement par son racisme et sa xénophobie que la Suisse a largement ouvert ses frontières et sa bourse aux étrangers, qui dépassaient, il y a pas mal de temps déjà, les 18% de la population totale, sans pourtant bien regarder ceux qu’elle reçoit. D’où la vague de délinquance qui sévit dans notre pays. C’est pourquoi ces délinquants ne bénéficient pas de la vague de sympathie que Mme Purtschert aimerait constater. Dès que l’on rappelle qu’en Suisse la population carcérale est majoritairement étrangère, que les rues de Genève sont devenues des coupe-gorge, qu’il y a trop d’étrangers, ceux qui osent le dire sont accusés de racisme et de xénophobie.

La lassitude des anathèmes

Ce sont, probablement, ces constats, entre autres, ainsi que le refus des minarets, qui doivent indigner Mme Purtschert, qui semble ignorer les données statistiques officielles de la délinquance et le fait que le refus de (nouveaux) minarets a clairement montré la volonté du peuple souverain. En tant que scientifique, elle devrait savoir qu’il y a, au niveau de chaque société, populations locales ou peuple, un degré de tolérance qui n’a rien à voir avec les bons sentiments. Ce ne sont pas les exhortations ou anathèmes des progressistes qui changeront quoi que se soit. Au-delà d’un certain niveau quantitatif, les étrangers ne sont plus les bienvenus, sans que cela puisse être imputé aux citoyens, ce qui est absolument normal et en rien immoral. Les vrais responsables sont les autorités. Les effets et les conséquences du dépassement du seuil de tolérance sont bien connus. La catastrophique situation de l’immigration en France (et d’ailleurs aussi) devrait faire réfléchir les politiques et peut-être aussi d’autre catégories, parmis lequelles scientifiques et journalistes. Le vrai racisme, la vraie xénophobie liés au vrai colonialisme n’existe plus en Occident. Ses effets, objectivement constatables, doivent être cherchés là où ils peuvent être mesurés, non dans des livres pour enfants.

Or, la politique de la Suisse à l’égard des étrangers demandant asile, est plus que bienveillante et généreuse, n’en déplaise à Mme Purtschert. Un exemple, la  très forte progression de l'islam en Suisse, dont les leaders religieux se permettent parfois des licences et d' insupportables gaffes. Où sont racisme et xénophobie dans ce cas-là ? Les « prémices » de Mme Purtschert sur ce thème proviennent d’un attitude plutôt politique, que scientifique. Il me semble entendre une militante de gauche, sinon d’extrême gauche, débordant de convictions naïves (et généreuses dans l’absolu), ayant marginalisé toute rationalité. Mme Purtschert ne nous dit pas en quoi consiste le « racisme explicite » et celui « quotidien » et pourquoi celui-ci est «tabou». J’ai constaté par expérience que la Suisse n’a rien d’un pays raciste ou xénophobe.

J’habite ce pays depuis plus de 35 ans, sans avoir jamais senti un quelconque sentiment de rejet ou d’animosité, envers moi ou envers un autre allogène. J’ai travaillé avec des étrangers encore plus exotiques que moi, sans constater quoi que se soit d’inamical ou de déplacé de la part de qui que se soit, autorités, direction, collègues, sur l’espace public ou ailleurs. De même dans ma famille, chez mes amis roumains ou étrangers, chez leurs connaissances. En clair, je n’ai jamais vu de la xénophobie, de l’antisémitisme ou du racisme où que ce soit en Suisse. Il y a sûrement quelques exceptions. J’ai constaté par contre de l’intolérance, parfois maladive, envers la droite, mai surtout à l’égard de l’UDC, de la part de ceux qui accusent les Suisses de racisme, xénophobie, intolérance et peut-être bientôt de colonialisme. Le fait que l’UDC est le premier parti de Suisse, explique, peut-être, l’ire de la gauche. L’interview accordé par Mme Purtschert contient de nombreuses autres affirmations de ce genre. La conclusion est claire: le Suisse est raciste, xénophobe et colonialiste.

Je mets un point final à ces quelques lignes en proposant à Mme Pourtschert une légère modification concernant Globi le personnage publicitaire et de BD, qui pourrait améliorer la relation entre le titre et le contenu de son interview: Au lieu de Globi est un Afro-Suisse, je lui propose Globi est un affreux Suisse.

Stefan Racovitza

 

 

(*) Ce texte se réfère uniquement à cette affirmation, qui me semble, pour le moins farfelue. Il ne présume en rien de l’activité et des qualités scientifiques de l’auteur de cette sentence.

(**) Judith Buler, philosophe poststructuraliste, est professeur de littérature comparée a l’Université Berkley de Californie. Ayant acquis une certaine notoriété après la publication, il y a plus de dix ans, de l’ouvrage Troubles dans le genre, une étude mettant en cause l’essentialisme des sexes. Se déclarant juive antisioniste, J.B. est au centre d’une polémique centrée sur l’antisémitisme.

 

3 commentaires

  1. Posté par Ben Palmer le

    Mme Purtschert, est elle payée pour étudier Globi? Moi, je les ai tous lu quand j’étais enfant, pourtant personne ne m’a payé. Heureusement que mon éducation m’a permis de voir le monde comme il est et de mettre les aventures avec Globi à leur juste place. Ce qui ne semble pas être le cas de Mme Purtschert, gravement traumatisée dans son enfance.

  2. Posté par Marcel Rubin le

    Je me demande si les élucubrations colberto-marxistes de Madame Purtschert nécessistent vraiment un commentaire sérieux et élaboré, tant elles émanent d’une personne dont le « lavage de cerveau » d’extrême gauche qu’elle a subi l’a manifestement égarée.

  3. Posté par Martin Leu le

    Tout-à-fait remarquable, cette analyse. Merci à son auteur!

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