Jean Ziegler : un grand prisonnier

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
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Son livre, Retournez les fusils,  vient d'être réédité. Du sein de sa cellule, métaphoriquement parlant, Jean Ziegler a encore eu la force d'accorder une interview à Ian Hamel, correspondant à Genève de l’hebdomadaire français Le Point.

 

Pourquoi dis-je que Jean Ziegler est un prisonnier, qu'il vit dans une cellule, très confortable au demeurant ? Parce qu'il est prisonnier de ses propres idées ou, comme diraient les historiens des sciences, d'un paradigme. Qu'est-ce qu'un paradigme ? C'est une image de la réalité qu'on n'arrive pas à remettre en question. Avant Galilée, on n'arrivait pas à remettre en question l'image du cosmos qu'Aristote avait donnée au IVe siècle avant J.C. Pour remettre en question le paradigme aristotélicien, il fallut 2000 ans. Un paradigme, c'est solide, très solide. Ce n'est pas absolument inébranlable, puisque Galilée, avec l'aide de Kepler, Copernic et quelques autres, l'a ébranlé au point de le faire disparaître. Mais c'est difficile de l'ébranler. On le voit très clairement avec Jean Ziegler, prisonnier, lui, du paradigme rousseauiste. En quoi consiste-t-il ?

 

Selon ce nouveau paradigme, il y a, d'un côté, la civilisation qui est la cause de tous nos malheurs - de l'autre s'esquisse la possibilité que l'homme se libère de toutes les chaînes par lesquelles cette même civilisation le retient prisonnier. Au jour de cette libération,  on assistera à l'éclosion d'un homme aussi pur et épanoui que l'était à l'origine, le bon sauvage.

 

La notion de péché originel fait aujourd'hui l'objet de sévères condamnations, mais au moins, avec cette notion, il était impossible de voir la cause de tous nos malheurs dans l'ordre des choses. De certains malheurs, oui, mais pas de tous. Avec le péché originel, on ne pouvait pas se faire d'illusions sur nos capacités à redresser ce bois tordu, qu'est l'être humain. On ne pouvait pas croire possible une existence humaine parfaitement épanouie,  comme cela se passe avec les plantes et nos chers animaux. Eux n'étaient pas nés dans le péché, nous si !

 

A partir de Rousseau, tout bascule. Lui-même, esprit profond et subtil, n'a jamais formulé ces choses comme elles le sont grossièrement ici. Mais le créateur d'un paradigme ne fait souvent qu'une brèche dans une digue, brèche qui, progressivement, s'élargit au point de laisser l'océan recouvrir toutes les terres. Galilée a fait tout basculer avec son équation sur la chute des corps, alors même qu'il croyait encore que les orbites des planètes étaient circulaires.  Rousseau, de même, a tout fait basculer avec son discours sur les sciences et les arts. Ce discours était maladroit, comme il le reconnut lui-même, mais il contenait de la dynamite. Jean-Jacques regretta même d'avoir dit que l'homme est né bon et précisa qu'il n'était à l'origine ni bon ni mauvais, ce qui ne fit pas avancer les choses en matière d'anthropologie philosophique. Et c’était moins délirant qu'une bonté originelle. Mais c’était trop tard.

 

Etre prisonnier du paradigme rousseauiste, c'est donc croire que la cause du mal est repérable dans le temps et dans l'espace. Dans le temps, avec le premier homme qui a enclos un champ et déclaré qu'il le possédait - dans l'espace avec la séparation entre une belle nature et des villes corrompues ou nauséabondes. Le premier propriétaire,  c'est l'affreux banquier de Jean Ziegler. Quant aux villes, dont les rues, comme le dit Rousseau dans Les Confessions, sont « sales et puantes », j'avoue ne pas connaître la position de Jean Ziegler sur ce sujet, mais il y a de fortes chances que, pour lui, elles soient le symbole d'un capitalisme qu'il déteste.

 

Ainsi Jean Ziegler est-il prisonnier du paradigme rousseauiste. Dès lors, il s'efforce de trouver la source des malheurs de l'humanité dans un homme et ses descendants (les propriétaires) ou dans un système, le capitalisme. New York a souvent été considérée comme le symbole de ce système et, à ce titre, honnie, comme l'effondrement des Twin Towers l'a encore montré en 2001.

 

Notre « grand » intellectuel suisse, sortira-t-il un jour de la prison dans laquelle il est enfermé ? Pourra-t-il casser les idées qui l'enserrent comme autant de chaînes ? On le lui souhaite, mais nous craignons le pire. Il est vrai que le paradigme rousseauiste est en train de s'écrouler heureusement beaucoup plus vite que le paradigme aristotélicien,  mais il se fait tard pour notre cher Jean Ziegler.

Jan Marejko, 21 octobre 2014

8 commentaires

  1. Posté par Jeferson le

    Merci Payot:
    http://www.vidy.ch/grands-debats-payot-jean-ziegler
    Ça donne envie d’y aller…

    Ce qui est bien avec les vieux gôchistes, c’est qu’il ne deviennent pas moins cons en vieillissant.
    Ils se mettent juste à rêver à haute voix. Et on remarque sans vraiment être surpris combien ces internationalistes sont belliqueux, combien ils souhaitent une guerre civile. Et surtout avec quelle facilité ils retournent leur veste lorsque l’allié d’hier devient infréquentable.

    Il y a une seule constante dans leur comportement: ces parasites sont toujours là pour toucher des jetons de présence. Symptomatique et lamentable. En matière d’armes, ils font des grands écarts à se mijoter des oeufs brouillés tellement ils s’écrasent les « gesticules » parterre. Les armes c’est le mal absolu. Le symbole du pouvoir corrompu, de l’armée à sa botte, des nationalistes, des salauds de droite. Sauf quand leurs petits copains guérilleros leur gueulent « revolucion » dans le sonotone! Là ça les réveille les papys! C’est l’EMS en folie, les infirmières n’arrivent plus à changer les couches assez vite!

    Zeigler? Un pauvre petit vieux débordant de connerie qui nous sert des slogans avec 50 ans de retard. Et ça se prend pour un stratège avec ses rêves pré-adolescents de grand soir. Le genre de Karl Marx de sous-préfecture, d’agité du bocal, que tu ne sais plus s’il faut mettre sous Ritaline ou Temesta…

  2. Posté par KANDEL le

    Merci beaucoup Mr. Stefan Racovitza, concernant ziegler, che-guevara, fidel-castro je viens de pas mal les « cogner » sur ce site (voir les commentaires associés à cette horreur de tee-shirt adulant cette ordure de che-guevara).
    Ayn Rand : Il n’y a pas de différence entre communisme et socialisme, si ce n’est dans la façon d’atteindre le même but ultime : le communisme propose l’esclavage par la force, le socialisme par le vote. La différence est la même qu’entre le meurtre et le suicide.
    PS: je pense qu’il n’est pas nécessaire que j’explique pour quelle raison je n’ai pas mis des majuscules.

  3. Posté par Stefan Racovitza le

    Les communistes étaient des socialistes sans états d’âme, c’est ce que je pensais dans ma jeunesse. Mais les socialistes d’aujourd’hui n’ont plus, pour la plupart, des états d’âme, ils sont donc très près des communistes, sinon des clones. Les socialiste se dépacent vers leur gauche, La débâcle française actuelle le prouve assez bien.
    Un exemple. M. Carlo Sommaruga, qui est loin d’être une exception dans son camp, prétend qu’il est socialiste, mais son admiration pour M. Jean-Luc Mélanchon dit autre chose. M. Jean Ziegler est du point de vue intellectuel d’une parfaite médiocrité, encore pire du point de vue éthique. Quelle est sa vision de la politique, de l’histoire, de la philosophie, de la morale, en critiquant comme il le fait, les sociétés occidentales, donc capitalistes, qui, malgré leurs défauts, offrent les meilleures conditions de vie, à commencer par la liberté de leurs citoyens, y compris les immigrés, légaux et illégaux ?
    La connaissance des horreurs commises par les régimes communistes, parmi lesquelles la centaine de millions de victimes de ces régimes, utopistes et sanguinaires, ne l’a point empêché d’être un fervent admirateur de Fidel Castro et du communisme en général. Quel est son sens moral alors qu’il admire les bourreaux les plus performants de tous les temps ? Comment voit-il le fait que tant d’immigrants arrivent dans les maudits pays capitalistes, où ils trouvent la liberté et un niveau de vie, égal à celui des indigènes, le tout payé par les contribuables ? Comment s’explique sa grande haine de la Suisse ? Etc. (Son pire effet a été celui d’avoir idéologisé ses étudiants).
    Celui qui met en avant ses passions, en ignorant la raison, n’est qu’un militant, un politiquement correct, bref tout sauf un vrai intellectuel. C’est le cas de M. Ziegler, qui restera dans sa « prison », dorée, jusqu’à la fin de ses jours. Un proverbe roumain dit que le loup change de poils, pas d’habitudes. Un autre, français, dit: qui a bu boira.
    Quelle serait aujourd’hui la différence entre socialistes et communistes ?

  4. Posté par Pierre H. le

    C’est fou comme ces socialistes ont un besoin pathologique et impulsif de s’occuper et de régenter de la vie des autres !

  5. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Jean Ziegler prisonnier du paradigme rousseauiste… Le bon sauvage, l’enfant corrompu…
    Ce dont j’ai été témoin me laisse septique, pardon sceptique. Certains enfants semblent des punitions que seul peut justifier un karma lourd. D’autres enfants ont hérités de parents qui ne laissent planer que peu de doute sur leur comportements dans les vies passées. Passons.
    La lecture de l’Emile est édifiante. J’y repense en lisant Jan Marejko. Et curieusement l’éducation décrite par Rousseau me fait penser à un organigramme du DIP (département de l’instruction publique), allez savoir pourquoi.
    Mais je reviens sur ce « bon » sauvage. Dieu vit que la lumière était « bonne », que terre et mer étaient « bien ». Puis, après avoir fait l’homme Il vit que tout était très bien, très bon! Et tout a foiré.
    Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu… Rom 3:23. Alors?
    Alors Dieu, dans son immense amour et sa grande tendresse, va nous faire la morale? Entrevoyez-vous où je veux en venir?

  6. Posté par bigjames le

    Un vieil homme pathétiquement à côté de la plaque.
    Bobo-prisonnier.

  7. Posté par KANDEL le

    Jean Ziegler est un sombre individu qui a fait « tout faux » ou presque (un petit bourgeois…
    Pour sortir du sordide voici un traité d’économie politique complet, je dirais même plus voici LE traité d’économie politique:

    http://bastiat.org/fr/harmonies.html

    Et ce texte « La Loi » le plus connu du tout grand économiste Frédéric Bastiat (1801-1850), toujours à 100% d’actualité:

    http://bastiat.org/fr/la_loi.html

    Bien du plaisir, tout est juste et vrai.

  8. Posté par Aude le

    Je suppose que toute espérance est vaine à son sujet.
    Il restera fidèle à ses idées..ne pouvant renier des décennies d’un combat que était et reste la raison de sa vie. Reconnaissant tout de même, au passage, quelques erreurs de parcours.
    Le socialisme tel que conçu actuellement est en phase de décadence.Il nous prouve avec la gouvernance française actuelle, ne plus être en capacité de redresser le gouvernail, trop enlisé qu’il est face aux exigences d’un monde en mutation ..mutation irréversible.
    Ce mondialisme finira dans la poubelle de l’histoire. Il s’effondrera sur lui-même comme un astre en fin de vie..Ainsi va l’univers..L’homme est ainsi toujours nouveau. Les réformes sociétales ne sont que l’achèvement de comportements chaotiques et débridés..Il n’y a pas une once de modernisme ou de progrès dans sa conception, pour l’ensemble de l’humanité.
    La résistance est la seule réponse possible à pareil spectacle…

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