Judith Butler et Madame le président

Thomas Mazzone
Enseignant, écrivain
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En France, il y eut polémique autour d’une apostrophe malheureuse au masculin. “Madame le président” fit des émules auprès des gauchistes et de l’intéressée Sandrine Mazetier. Apparemment une discussion anodine sur la modernisation non spontanée du langage par le militantisme féministe acharné, cette affaire touche néanmoins à un sujet beaucoup plus profond et important.

 

En effet, le titre de président représente une fonction dans une structure sociale donnée. Il n’y a nul lieu de le moduler selon les caractéristiques de celui qui le porte. C’est précisément parce qu’on se doit de remplir une tâche pour ses qualités relatives dans l’exercice de ses fonctions politiques (le politique signifiant le “bien commun”) que l’on doit justement faire abstraction, un maximum, de sa personnalité, de ses préférences et de son contexte d’origine pour se consacrer prioritairement audit exercice. En d’autres termes, le nom masculin “président” représente une fonction politique pour laquelle on désigne une personne, sans que l’ensemble de ses qualités puisse alors influer sur la définition même de cette fonction.

 

Cet excès à contresens a pour mérite de révéler la réduction de l’ordre social aux individus qui le composent et, enfin, à l’individu lui-même. Ce qu’il est nécessaire de noter, c’est que, dans une nation, les individus sont porteurs d’une culture et défenseurs d’une terre, et que c’est cette terre qui leur donne naissance en tant que tels. La résumer aux individus qui la composent, c’est nier son histoire et le sens commun qui réunit ces mêmes individus. L’homme, sans cela, n’est que peu de choses. Ainsi, dans le sens inverse, dans le sens dans lequel on autorise sa féminisation, “président” devient un titre honorifique qu’on porte pour sa carrière personnelle et pour lequel on est choisi selon sa personnalité ; plutôt que selon des qualités correspondant à la fonction.

 

A l’occasion du journal télévisé d’hier, la RTS a trouvé bon de faire un reportage favorable à la nomination honorifique de Mme Judith Butler à l’Université de Fribourg, pourtant sensée être un bastion du catholicisme. Dans ce reportage, en défense contre les protestataires alors présents, quelques lignes de Mme Butler elle-même suggéraient qu’il n’y aurait pas qu’une seule “Théorie du Genre” mais plusieurs ; que ce serait un domaine de recherche universitaire tout à fait reconnu et respectable.

 

 

En Norvège, pourtant, un documentaire suffit à convaincre le gouvernement d’arrêter purement et simplement les subvention de telles études. Ce qu’il est aussi intéressant de noter, c’est que les études “Genre” sont très souvent associées aux mouvements féministes et qu’elles ont pour but de définir l’influence culturelle sur l’exaltation du genre de l’individu: jusqu’à sa sexualité. On est ici, donc, dans le miroir de ce qui mène à considérer l’individu avant le politique et à sa définition en dehors de ce qui, pourtant, façonne l’homme. Une influence culturelle n’est d’ailleurs pas forcément illégitime. A l’inverse, le déterminisme lié au sexe n’est pas, non plus, une référence absolue. On note, alors, une contradiction entre l’idée, dominante dans ces milieux, selon laquelle un individu naîtrait homosexuel et la phrase quasi-fondatrice de Simone de Beauvoir: “on ne nait pas femme: on le devient”!

 

En fait, cette contradiction est, elle aussi, le reflet du glissement au premier plan de la personnalité de l’individu au détriment de sa nature d’homme, et le grotesque ne s’arrête pas là! Si le champ de l’influence (dans le but d’évaluer la part de déterminisme biologique de l’homme - ce qui fut, autrefois, avant l’épisode de la Deuxième Guerre Mondiale, étendu à l’ethnie en plus du sexe - ) peut être un sujet d’étude intéressant, il n’en reste pas moins que les “Théories du Genre” excluent toute influence potentielle intrinsèque aux caractéristiques d’un individu. Tout étudiant qui interviendrait en ce sens dans le cadre d’un travail de recherche serait automatiquement saqué. Ceci réduit donc le champ d’étude à l’opinion idéologiquement conforme et lui fait perdre toute sa valeur. C’est ce qui découlait aussi de ce documentaire qui fit, un jour, basculer la Norvège.

 

Qu’il y ait plusieurs théories n’y change rien, le but avoué de toutes celles-ci, c’est de dénigrer à la fois la nature différente que les individus peuvent avoir et la culture dont ils sont héritiers, en disant que son influence crée une disparité dont, finalement, certains souffriraient alors qu’ils seraient, selon ces mêmes théories, quasiment identiques aux autres. Si l’on en croit les récentes polémiques autour de l’éducation en France, on tend même, visiblement, à gommer les différences entre adultes et enfants, ce qui pourrait offrir une justification à tous les excès.

 

C’est, donc, parce qu’on peut montrer que “l’homme est un animal politique” (au moins depuis Aristote) que chercher à le définir en dehors de tout cadre revient forcément au subjectivisme propre des individus et à un irréalisme délirant. C’est aussi ainsi que l’on se devrait de faire remarquer aux défenseurs des multiples “Théories du Genre” que cette négation de toute culture et de toutes racines invalide in fine leur argumentaire, car celui-ci même est précisément basé sur notre culture d’homme - rien qu’en utilisant notre langue! La suppression totale de paradigme est impossible, et penser s’en tirer comme cela mène fatalement à la réduction du point de vue à l’opinion personnelle de par ce qui n’est qu’un mélange de sentiments, et parfois d’endoctrinement. Et, disons-le, vouloir tout remodeler revient surtout à se prendre pour Dieu. Alors, en dernière note pour ces militants universitaires, rappelons que, même si les pré-socratiques parlaient autrefois de la “Déesse”, ils avaient pourtant déjà identifié que la Vérité ne se trouvait pas au fond de nous-mêmes, mais toujours au-dehors ; au-dehors même du monde accessible! Après tout, si Platon ne l’avait pas dit, il est évident que, dans sa “caverne”, on peut toujours choisir de creuser!

 

Thomas Mazzone, le 16 novembre 2014

 

Ecouter aussi:

Eclairage UW mentionnant la nomination de V. Peillon et ladite “Théorie du Genre”

4 commentaires

  1. Posté par Jean Avoca le

    @Pierre Cocasse : « Judith Butler se fout de l’Evangile de Jésus-Christ »
    Evidemment puisqu’elle n’est ni chrétienne, ni musulmane ! Quelle naïveté !

  2. Posté par Andrea le

    On a applaudi François comme l’on a applaudi Obama à son élection dans la douce illusion d’une ouverture qui n’est que déni de responsabilité, d’obligation ou de respect envers les générations qui nous on précédés.
    Ce ne sont que deux moments de regret que notre société se devrait d’avoir pour avoir ce sursaut de réalisme qui pourrait sauver ce qui reste de notre culture.

  3. Posté par Pierre Cocasse le

    Il faudra que l’Eglise catholique se réveille… le Pape peut déjà aller se rhabiller puisqu’il ne défend plus son Eglise… Judith Butler se fout de l’Evangile de Jésus-Christ : seulement « on ne se moque pas de Dieu » !

  4. Posté par john Simpson le

    Honteux que la RTS soit gangrénée par le lobby LGBT, merci de dénoncer!

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