Les forfaits fiscaux sont équitables

Jean Romain
Jean Romain
Ecrivain, philosophe, député PLR GC Genève

 

On ne saurait réduire la justice au seul principe d’égalité. L’égalité est une valeur fondamentale en démocratie mais, à elle seule, elle n’assure pas encore la justice parce que l’égalité est linéaire et qu’elle ne tient pas compte des différences entre les hommes ni des cas particuliers. Parfois même, il est piquant de constater que la stricte égalité peut se révéler une forme d’injustice comme, par exemple, dans l’éducation de deux enfants très différents : il faut que les parents tiennent compte de ces différences et qu’ils adaptent à l’un et à l’autre enfant le principe d’égalité. Se montrer strictement égal pour ces deux enfants peut entraîner des injustices flagrantes.

Pour que règne la justice, l’égalité est évidemment nécessaire mais elle n’est pas suffisante : il faut lui adjoindre le principe d’équité. L’équitable n’est pas l’égalité selon la loi, mais un correctif du principe d’égalité. La raison en est que l’égalité est toujours quelque chose de général, et qu’il y a des cas d’espèce pour lesquels il est impossible de poser un énoncé général qui s’y applique avec rectitude. L’équité vient donc corriger dans le sens de la justice un excès de simplification dû à l’égalité.

Deux principes concourent pour former l’idée de justice sociale.

Justice = égalité + équité.

Définitions :

  1. Le principe d’égalité : il est fondamental que l’égalité règne entre tous, dans l’établissement des droits et des devoirs de base de chacun.

 

  1. Le principe d’équité : certaines inégalités (par exemple les inégalités de richesse, de force physique, d’autorité) sont justes si et seulement si elles produisent en compensation des avantages pour chacun, et en particulier pour les membres les plus désavantagés de la société.

 

Il n’y a pas d’injustice dans le fait qu’un petit nombre obtienne des avantages supérieurs à la moyenne, à condition que soit améliorée par-là la situation des moins favorisés. La justice apparaît donc comme une sorte d’équilibre qui ne nécessite pas une référence à un absolu mathématique (l’égal), mais à un accord entre les membres d’une société pour constituer un système d’obligations, de devoirs et de droits. Il ne s’agit pas d’être juste malgré la société, mais d’être juste dans le cadre d’un contrat social, où les parties s’engagent mutuellement à limiter leur liberté pour augmenter leurs avantages.

 

Le contrat social

Voici ce qu’entend entreprendre le « Contrat social » de Rousseau : « Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu’ils sont, et les lois telles qu’elles peuvent être. Je tâcherai d’allier toujours, dans cette recherche, ce que le droit permet avec ce que l’intérêt prescrit, afin que la justice et l’utilité ne se trouvent point divisées. ».

Ceux qui s’engagent dans la coopération sociale doivent fixer de manière contractuelle les principes qui régissent les droits et les devoirs de chacun, et ils doivent les fixer par un acte volontaire en accord avec les buts de la société. Un de ces buts est manifestement la justice. Or, les moins bien lotis et les plus chanceux trouvent chacun dans ce double principe (égalité et équité) leur avantage. En d’autres termes, une marge d’inégalité est parfois nécessaire pour satisfaire le principe d’équité, et accepter cette marge est le prix à payer pour le bien collectif.

Le principe d’équité peut s’énoncer de manière purement rationnelle, celle du donnant-donnant : si j’accepte de réduire ma marge de manœuvre et ma liberté pour augmenter le bien commun de la société à laquelle j’appartiens (ce que font ceux qui paient les impôts au forfait, renoncent à pouvoir travailler et s’acquittent des droits de succession), il n’est pas rationnel que quelqu’un puisse bénéficier des avantages du bien collectif sans avoir lui-même dû réduire sa liberté et sa propre marge de manœuvre (ce que font ceux qui paient leurs impôts selon le barème en vigueur et acceptent, pour certains, de manière inégalitaire le principe du forfait).

Pour faire simple : par le contrat social, les uns paient un forfait et renoncent à certains droits ; les autres renoncent de leur côté à exiger la parfaite égalité parce que la société a à y gagner.

 

L’éthique

L’éthique est la connaissance argumentée qui répond à la question : « que faut-il faire pour bien faire ? » L’époque actuelle, en raison du relativisme culturel qui la domine, est incapable de répondre de manière générale et satisfaisante à cette question (c’est d’ailleurs pourquoi le mot éthique est psalmodié partout de manière incantatoire), alors l’époque se rabat sur une éthique bon marché, celle du « bon sentiment ».

On se réfère ainsi à une norme subjective pour décider ce qui est le critère du bien faire et celui du mal faire. Milan Kundera le dit : « Personne n’est plus insensible que les gens sentimentaux. » Les bons sentiments rendent ceux qui les éprouvent certains de leur choix parce que l’éthique sentimentale a ceci d’efficace qu’elle associe rapidement un grand nombre d’adeptes, fédérés par la même émotion. Il existe même des spécialistes capables de susciter le bon sentiment, de l’organiser et de le manipuler. L’ouvrage de référence en matière de psychologie sociale est celui de Gustave Le Bon, « Psychologie des foules ».

Or, dans le cas qui nous occupe, il faut éviter d’introduire un élément éthique, sujet à controverse parce que trop subjectif, mais seulement un élément rationnel : nous devons être capables d’utiliser les moyens les plus efficaces pour atteindre les fins données par la société.

Une des fins est la justice. C’est la raison pour laquelle le forfait fiscal, tout en étant inégal du point de vue moral, est juste parce qu’il est équitable du point de vue rationnel.

Jean Romain, 17 novembre 2014

2 commentaires

  1. Posté par oro le

    En tout cas pas un débat gauche-droite. Ce n’est pas le nombre de lignes qui va me convaincre. Après avoir payé pour les tricheries des banques le vulgaire pékin devra rallonger pour les pertes fiscales engendrées auprès de nos chers maîtres chanteurs d’outre frontière. Avec la clique du Conseil fédéral, il n’auront aucune peine à se faire entendre, eux qui rêvent des surplus de « salaires » de Bruxelles.
    .
    Maintenant parlons du contrat social, où plutôt de cohésion sociale. Inévitablement ces « grandes fortunes » présentent plusieurs profils et leur descendants ayant vécu dans l’opulence de l’arbitraire fourniront aux gouvernants futurs, toujours plus proches de la dictature, les verges pour mieux nous exploiter. En plus ces garants de la bonne conscience auront le culot de larguer quelques briques pour justifier le maintien de leur statut de privilégiés. A voir le rampants politiques qui leur courent après, et qui se servent habilement dans les caisses de l’Etat, avec ces principes, c’est pas demain qu’on pourra leur imputer que les caisses sont vides et qu l’Etat n’a rien fait pour supprimer les misères puisqu’ils comptent fortement sur ces généreux donateurs pour ne pas gérer par le renvoi immédiat celles qui affluent de partout.
    .
    Quant à l’éthique, on ne voit pas ce qu’elle peut bien faire là-dedans. C’est une réunion de vieux radoteurs, le fameux comité d’éthique, qui nous ont gonflé toute leur vie avec des idées saugrenues, souvent à côté des réalités pragmatiques, mais qui ont trouvé un truc pour rallonger leur propension à vouloir encore exister et à continuer de vivre dans le virtuel. Là je pense à un membre éminent qui pourrait présider ce comité de soutien aux forfaits « étrangers »: le dénommé Jacques Attali, qui non satisfait d’être plagiaire, se complaît depuis des années à seriner à l’oreille des puissants, qu’en toute circonstance, le seul remède à une économie chancelante c’est l’immigration…. A voir le suicide de la France, de Mitterand à Hollande, avec cette panacée, on pourrait alors parler avec raison de comité Attila et là se serait plus convaincant.

  2. Posté par Julien le

    Il est interéssant de souligner pourquoi ces forfaits fiscaux ne concernent que les riches étrangers et non pas les suisses qui n’ont pas d’activités lucratives dans leur pays ! Je m’explique : si en tant que Suisse, je ne travaille pas dans mon pays depuis au moins 10 ans et qui j’ai des revenus venant d’autres pays étrangers, pourquoi ne bénéficie-je pas de forfaits fiscaux ? En outre, ce serait juste d’un point de vue d’équité.

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