ANTI-TERRORISME : L’EUROPE COMME UN CABRI…

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

 

Le 19 janvier dernier à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se sont réunis pour discuter des moyens pour améliorer la coopération anti-terroriste après les attentats de Paris. A l’ordre du jour : l'amélioration de la coopération avec les pays arabes, le renforcement des contrôles aux frontières de l'espace Schengen, la lutte contre le trafic d'armes et la création d'un registre commun des passagers aériens : le Passenger Name Record (PNR). Ce registre permettrait aux Etats européens d'échanger les données personnelles des voyageurs aériens et de les croiser, avant leur entrée sur le territoire européen, avec des bases de données concernant les personnes dangereuses. La directive relative au PNR est dans les tuyaux depuis 2011, mais sa mise en œuvre reste bloquée par le Parlement européen qui réclame d'abord l'adoption d'une législation européenne sur la protection des données… Hallucinant ! Une quinzaine de pays européens se sont toutefois déjà dotés de systèmes nationaux.


Parallèlement à ces difficultés, « il faut qu'on renforce notre façon de coopérer (...) avec les pays arabes », a affirmé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini avant la réunion des 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE à laquelle était convié le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi. « Les attaques terroristes ciblent surtout les musulmans dans le monde, il nous faut donc une alliance, un dialogue pour faire face ensemble » a-t-elle insisté. C’est bien, mais concrètement qu’est-ce que cela signifie ?

 

Face à une telle impuissance, résonnent ces mots prononcés par le général de Gaulle lors d’un entretien télévisé le 14 décembre 1965 : « dès lors que nous ne nous battons plus entre Européens occidentaux, dès lors qu'il n'y a plus de rivalités immédiates et qu'il n 'y a pas de guerre, ni même de guerre imaginable, entre la France et l'Allemagne, entre la France et l'Italie et, bien entendu, entre la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Angleterre, eh bien ! il est absolument normal que s'établisse entre ces pays occidentaux une solidarité. C'est cela l'Europe, et je crois que cette solidarité doit être organisée. Mais il s'agit de savoir comment et sous quelle forme (…) Alors, il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l'Europe ! », « l'Europe ! », « l'Europe ! » mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien ».

 

Toujours prisonnière de cette « logique du cabri », l’Europe - malgré toutes ses pesanteurs et dysfonctionnements -, reste confrontée à des menaces terroristes ciblant tant son territoire que ses intérêts à l’étranger. Celles-ci s’avèrent maintenant d’autant plus dangereuses que les organisations qui les portent, disposent de bases-arrières, de profondeurs géographique et stratégique de plus en plus étendues et organisées. Par conséquent, et c’est un constat de simple bon sens, l’Europe doit mettre en œuvre une véritable coopération policière et judiciaire permettant d’identifier et de tracer, le plus en amont possible, les acteurs susceptible de passer à l’acte. L’Europe doit aussi apporter des réponses concrètes et opérationnelles aux structures implantées sur ses territoires qui diffusent la propagande salafo-jihadiste (idéologies des Frères musulmans et du wahhabisme) à destination de citoyens fragilisées par la crise économique, sociale et culturelle.

 

Compte-tenu de la fluidité de déplacement instaurée par l’espace Schengen, il sera vain de travailler « nationalement » sur ces deux priorités précédemment soulignées, si les informations recueillies ici ou là ne sont pas immédiatement mises en commun par tous les membres de ce même espace. Et ici point n’est besoin de réactiver la « logique du cabri » en attendant la mise sur pied d’un improbable « service européen de renseignement ». Un travail efficace de renseignement ne peut s’effectuer que sur des bases stato-nationales, une coopération non moins efficace ne pouvant se développer que de manière strictement bilatérale. Toutefois, ce rappel du réel n’empêche absolument pas les coopérations européennes nécessaires que nous venons de rappeler… ne serait-ce que pour assurer l’identification, sinon la prise en charge des éventuels candidats européens au jihad en Irak, en Syrie, au Sahel ou ailleurs !

 

Dans une note pour la Fondation Robert Schuman[1], Alain Chouet - ancien chef du Service de renseignement de sécurité des services extérieurs français -, rappelle : « quant à l’inévitable risque terroriste sur sol européen, qui ne relève en aucun cas d’une prévention militaire mais - comme toute menace criminelle - de l’action des services de renseignement, de police et de justice appuyée sur une politique commune de prévention éducative, culturelle et social, il requiert une réelle coopération multilatérale des 28 Etats membres, sans a priori ni tabous de « bien -pensance », pour l’identification, la surveillance, le suivi et, le cas échéant, la neutralisation des personnes et milieux à risques, qu’ils soient résidents ou de retour des théâtres d’affrontement ».

 

Principale difficulté : la « bien - pensance » qui irrigue encore nombre d’institutions et de mécanismes européens. Ainsi, l’abondante jurisprudence de la Commission européenne des droits de l’homme ne tient pas compte, le plus souvent, ni de la géographie ni de l’histoire mais avant tout des prescriptions d’une « bobologie » hors-sol partant du principe que l’homme est naturellement et foncièrement bon ensoi/pour soi, mais que c’est la société qui le corrompt… En Europe, et pas seulement contre la « logique du cabri », une véritable révolution culturelle s’impose…

 

Richard Labévière, 2 février 2015

Rédacteur en chef du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

 

[1] Questions d’Europe, numéro 339, 12 janvier 2015.

3 commentaires

  1. Posté par Economico le

    Ne vous inquiétez pas le Congrès américain vient d’accepter un budget de 534,3 mrd d’investissement en arme. Je vous laisse lire la suite mais la geopolitique se tend dans le monde.

    The Pentagon unveiled a $585.3 billion spending plan Monday, ignoring spending caps currently in place and setting the stage for a year of negotiations and brinkmanship in Congress on military spending.
    02-févr.-2015
    By Julian E. Barnes And Doug Cameron
    WASHINGTON–The Pentagon unveiled a $585.3 billion spending plan Monday, ignoring spending caps currently in place and setting the stage for a year of negotiations and brinkmanship in Congress on military spending.
    The Defense Department proposed a $534.3 billion base budget for the year starting Oct. 1, an increase of $38.2 billion approved by Congress for fiscal 2015.
    The Pentagon also proposed spending $50.9 billion on war funding, down about $13.3 billion, or 21%, from what was approved last year, a reflection of the withdrawal of forces from Afghanistan. The department said that in 2020 it would drop the supplementary budget, called the Overseas Contingency Operations fund, which has been criticized by lawmakers as an attempt to dodge budget limits–though only if sequestration ends.
    The proposal would bust the $499 billion spending cap that is currently on place on the Pentagon budget, a limitation that officials have said repeatedly will lead to the early elimination of older weapons systems and cutbacks in the purchases of new technologies.
    The military also noted that plans for new ships, aircraft and arms would all have to be pared dramatically if Congress doesn’t agree to lift the caps, imposed by the 2011 Budget Control Act.
    The proposed spending level, a 4% increase over 2015, preserves all of the Pentagon’s big weapons systems and includes more funds for procurement, research and intelligence gathering, part of an effort to convince lawmakers of a growing threat from China, Russia and others that are fielding advanced technology. The U.S. defense budget still would equal that of the next 10 highest-spending nations.
    The budget proposal contains additional money for missile defense, nuclear modernization and cyber capabilities. For missile defense, the Pentagon is proposing a new $1.6 billion to improve the ground-based interceptors in Alaska and California.
    While the Pentagon provided few details, it said it would spend $5.5 billion on cybersecurity.
    The budget once again proposes a range of cost savings that Congress viewed skeptically last year, including slowing the growth of pay and benefits for military service members. The controversial proposal to mothball the Air Force’s A-10 jet fleet is also revived in the new budget, as is moving the National Guard’s Apache attack helicopters to the active-duty force and a new round of domestic base closures.
    Some of the administration’s proposals for reforming pay and benefits may be considered by Congress, but it is not clear whether lawmakers will favor plans to retire beloved aircraft, like the A-10, any more than they did last year.
    Some of the biggest spending items in the new budget are aircraft programs.
    Military officials have said the new war in Syria and Iraq, and the expanding instability in Yemen, have put even greater demands on the Air Force’s fleet of drones, and the new budget proposes to ramp up production.
    Under the plan, the Air force would spend $821 million to purchase 29 General Atomic MQ-9 Reapers, the service’s most heavily armed drone, up from 24 being purchased in the current year.
    But officials cautioned that if the spending caps aren’t lifted, they would only be able to buy 20.
    Similarly the Lockheed Martin Corp. F-35 Joint Strike Fighter purchases would also increase. Overall, the Pentagon said it would buy 57 F-35s at a cost of $10.6 billion. The Air Force plans to purchase 44 of the F-35A models used by the Air Force, up from 28 this year, a number that would be cut to 30 if the sequester remains in place.
    The Navy and Marine Corps will continue purchasing their versions of the planes, although in smaller quantities. The Marine Corps purchase of the F-35B will go from six this year to nine next year under the proposed budget. The Navy will keep its purchases of the carrier version of the plane to four. Under the service’s longer-term spending plan, those purchases would ramp up over the next five years.
    But the Navy has proposed to stop its purchase of Boeing Co. F/A-18 and EA-18 fighter planes. The current budget doesn’t envision new purchases of either the electronic warfare version of the plane or of the stand version of Boeing’s fighter jet. Still, Congress is likely to disagree and could put funding for the fourth-generation plane into the budget.
    The Navy has also proposed spending $3.4 billion on 16 Boeing-made P-8 aircraft and $1.3 billion on five Northrop Grumman E-2D aircraft.
    The Navy plans to spend $1.4 billion to ramp up research to develop new nuclear-armed submarines, known as the Ohio-class replacement program. According to the Navy, that money will go toward developing the submarines’ nuclear propulsion plant, the missile compartment and other systems.
    For the Army, the budget proposal ends a four-year slide in spending and provides $4.5 billion to upgrade Apache, Black Hawk and Chinook helicopters as well as money to upgrade Stryker vehicles and a new armored multipurpose vehicle.
    Write to Julian E. Barnes at [email protected] and Doug Cameron at [email protected]
    Access Investor Kit for The Boeing Co.
    Visit http://www.companyspotlight.com/partner?cp_code=P479&isin=US0970231058
    Corrections & Amplifications
    This item was corrected at 4:15 p.m. ET to reflect that General Atomics made the MQ-9 Reaper, not Northrop Grumman.
    Subscribe to WSJ: http://online.wsj.com?mod=djnwires
    (END) Dow Jones Newswires
    February 02, 2015 11:48 ET (

  2. Posté par Le pragmatique le

    Entierement d’accord avec vous Jac Etter. Chaque Bobo ayant un psy, ça fait chic m’a-t-on dit, il faut envisager d’ameuter les psychiatres pour qu’ils informent leurs patients du danger.

    Toutes choses restant égales par ailleurs, l’islam n’est pas une phobie mais un danger planétaire.

  3. Posté par Jac Etter le

    Quel cabri ? Il y a belle lurette que la bestiole est passée au méchoui. La seule réponse apportant un semblant de sagesse est de reprendre le contrôle intégral de nos frontières, de rétablir les permis autorisant le séjour en notre pays et de mettre en place une diplomatie moderne, efficace, rapide construisant des contacts directs avec les pays pouvant apporter des informations concrètes et utiles. Le reste est parlotte à l’italienne avec une ignorance et incurie totales de ce que représente réellement l’islamisme, n’est pas Mme Fallaci qui veut.

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