Le « séisme » du 9 février de l’an 2014 souffle son 1 an, joyeux anniversaire !

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NDLR. Nos lecteurs nous écrivent.

Voilà tout juste un an, l’initiative « contre l’immigration de masse » passait la rampe. Un souvenir douloureux pour une partie de nos élites et autres partisans du NON, pire : une « journée noire ». D’après eux, les 50,3 % ne comprennent pas la complexité de ce vote et à cause de leur naïveté, ils tueront la poule aux œufs d’or. Un an déjà et certains ne s’en remettent pas toujours pas!

S’il paraît tout-à-fait légitime de s’inquiéter des conséquences de cette votation sur notre économie, il serait bon d’arrêter de prophétiser un agenda de catastrophes en série tant que nous ne serons pas plus avancés sur la mise en application de cette loi. De plus en plus, il se dit que nous pourrions être amenés à voter la poursuite ou non des accords bilatéraux afin de pouvoir commencer ce processus.

Mon constat depuis un an, c’est je ne partage pas tout-à-fait les mêmes conclusions dans l’analyse des raisons qui ont poussé le OUI à l’emporter. Certes, l’explication était simple à comprendre. Ces gens-là sont des beaufs, des boulets, ils ne comprennent rien à rien, ils sont racistes et en plus ils sont xénophobes. Oui, sauf que… Il y a quand même un truc qui me dérange, pas vous ? Ces partisans du OUI ne se seraient pas senti « un tout petit peu » concernés (comme tout le monde) par les mises en garde du patronat et des politiciens au moment de glisser le bulletin dans l’urne ? C’est plutôt en ce sens que vote traditionnellement le pays, pourtant.

Contrairement à ce que je n’ai cessé d’entendre, je ne crois pas une seconde que la  grande majorité du camp du OUI n’était pas au courant des risques inhérents à cette initiative. Je veux dire à moins de vivre dans une grotte, comment ne pas le savoir ? C’était partout, dans tous les médias, dans la bouche de tant de politiciens, d’entrepreneurs et de porte-paroles d’universités. Tout le monde a entendu : L’Europe étant notre plus gros client, le OUI risquait de faire capoter l’ensemble de la situation florissante de notre pays.
Pour faire très court : qui dit perte de client dit perte de recettes et qui dit perte de recettes dit (à terme) perte d’emploi. Moins d’emploi, moins de richesses mais aussi moins d’attractivité. Moins d’attractivité ? Moins d’immigration.

Ce que l’on aurait du alors constater, c’est que les Suisses qui ont voté OUI étaient donc conscients du risque de mettre leur job sur la sellette, leur niveau de vie, leur pouvoir d’achat et leur confort matériel. Et s’ils avaient eu peur que la machine ultralibérale s’emballe ? Tout ça pour revenir à peut-être à un peu plus de raison, avec peut-être moins d’avantages mais plus de bien-être. Est-ce si compliqué à comprendre ? N’y a-t-il vraiment rien de respectable dans ce choix? Et si au contraire, cette décision avait demandé du courage, au vu de la prise de risque assumée d’une partie de la population ? Si ce vote leur avait fait mal ? Avec à la clé le simple désir de retour à peut-être moins de confort, moins d’argent mais plus de simplicité… Avec moins de quantité mais plus de qualité, en somme. Voilà tout simplement l’autre version que certaines de nos élites auraient pu retenir, histoire de varier un peu le débat.

Mais dans cette histoire rien n’est simple et il faut défendre les partisans du OUI pour de multiples raisons. Tout d’abord c’est vrai que les choses ne se sont pas passées exactement comme prévu entre l’Europe et la Suisse. Dès le départ, les autres pays de cette même Europe ont eux aussi fait face à de nombreuses déconvenues, ne l’oublions pas. A mon sens, il était tout-à-fait honorable de voter pour l’initiative « contre l’immigration de masse ». En effet, suite à l’entrée dans l’espace Schengen, la Suisse est miraculeusement prospère, plus qu’elle ne la jamais été. Merci l’Economie, merci les patrons, merci le libre-échange, merci le marché européen qui nous a ouvert tout grand ses portes, merci la crise qui nous permet de rester ultra-concurrentiels, merci les entrepreneurs, merci à tous. Sincèrement, merci. Une majorité d’Etats connaît actuellement les plans d’austérité sans fin, le chômage et les délocalisations à tout va, quand les personnes les plus fragiles ne se font pas tout simplement jeter de chez elles parce qu’elles ne peuvent plus payer leur loyer. Sans oublier tous les drames humains inhérents à pareilles situations. Nous avons beaucoup de chance et il est totalement indécent de vouloir cracher dans la soupe. Et avoir beaucoup de soupe actuellement, ça se respecte.

Nous arrivons maintenant à la contrepartie et c’est bien normal qu’il y en ait une. Certes, les Suisses n’étaient pas prévenus des problématiques à venir mais étaient-elles vraiment si facile à anticiper ? L’Europe s’est pris à rêver : tous ses adhérents devaient voir leur puissance économique s’unir et monter. Puis de là, atteindre un certain équilibre au sein de l’Union pour faire bloc contre bloc les puissances mondiales montantes. Ou tout au moins, agir comme un retardateur. La suite, tout le monde la connaît : trop de disparités entre les Etats, trop de différences à mettre à niveau et si peu de temps à disposition.

Or, dès la mise en place de cette belle Europe, on a eu l’impression d’un capharnaüm géant. Les questions primordiales comme la taille réglementaire que devait avoir un concombre ou une tomate pour pouvoir être vendue sur le marché intérieur rivalisait d’importance avec d’autres questions essentielles comme l’a été l’adoption de la Constitution Européenne.  Ledit traité ne fut pas approuvé en premier lieu par nos amis français et hollandais, ce qui laissa les observateurs perplexes. Il s’imposa néanmoins lors d’une deuxième consultation populaire après que quelques détails de présentation furent modifiés. Une méfiance s’installa naturellement entre les peuples européens et leurs dirigeants. Certes les Suisses n’étaient pas impactés par cette décision, mais ils comprirent qu’il ne fallait pas trop compter sur l’intelligentsia bruxelloise pour faire preuve de neutralité.

Comme promis du côté helvète, le développement économique prend l’accélérateur avec les accords de Schengen dans des secteurs aussi divers que variés. La production se met en branle et l’offre d’emploi explose. Tous comme les bénéfices, qui augmentent au même rythme. Quant au citoyen lambda, il subit une concurrence démographique qui gagne rapidement plusieurs aspects de son quotidien. En effet, les nouveaux-arrivants dans les grandes villes créent malgré eux une charge que la société a du mal à absorber. Comme le manque de places disponibles dans les écoles, les crèches, le marché de l’immobilier, (saturé et de plus en plus cher), les transports en commun semblent dépassés, et tous les jours, les inévitables bouchons aux heures de pointe, etc. Le résident (quelque soit son origine) devient conscient que sur le marché du travail on embauche pour moins cher que lui. « Seulement dans les jobs que les Suisses ne veulent pas », dit-on. En réalité la pression des travailleurs venus de l’étranger s’étend rapidement à presque tous les domaines d’activité, et ce quelque soit leurs degrés de qualifications.

Que notre pays aime à s’entourer de personnel étranger est une chose tout-à-fait positive, le problème ne se situe pas dans le fait qu’il y ait ou non des travailleurs étrangers.  Le problème se présente lorsque, en situation de plein emploi, des personnes qui sont non seulement résidentes dans le pays mais qui remplissent également toutes les conditions à l’embauche ne trouvent plus d’emploi ou le perdent. C’est cet état de fait qui complique vraiment le message. En clair, c’est le patron qui est montré du doigt. Sur un navire, il y a un moment où il est légitime et même nécessaire que le capitaine s’assure  que tous les passagers dont il a la responsabilité soient à bord.

Alors qu’en est-il des populations (dont les élites ne semblent pas connaître l’existence) qui sont les plus affectées  par cette réalité ? Qu’en est-il de ceux qui approchent de la cinquantaine, de ceux qui sont peu qualifiés, de ceux qui le sont trop, de ceux qui coûtent trop cher, des étrangers récemment installés dans le pays et qui ont besoin d’un coup de pouce pour démarrer ? Ou des femmes qui ne parviennent plus à réintégrer le marché après s’être consacrées à leurs enfants ? N’y a t-il vraiment aucun effort à faire de ce côté? Ce serait sympa de ne pas oublier aussi les chômeurs et plus encore ceux qui n’y ont plus droit et qui dépendent de l’aide sociale minimale. Ou sont-ils d’ailleurs comptabilisés ? On a presque de la peine à suivre leurs traces ! N’oublions pas que la Suisse est une frégate dont le peuple souverain est le capitaine.

Toutes ces interrogations étaient évidentes mais il est tellement plus simple de les laisser de côté. Ainsi, certains responsables politiques, pourtant scandalisés à l’annonce des résultats, étaient tout émus d’annoncer que les cantons les plus affectés par la concurrence étrangère et la pression démographique (ex : GE, VD et ZH) n’étaient pas les plus nombreux à avoir donné leur voix au OUI, à l’exception du Tessin. Une preuve supplémentaire que les OUI avaient tout simplement peur de « l’étranger », qu’ils ne connaitraient d’ailleurs même pas. Il aurait été prudent toutefois de relativiser cette information, car honnêtement la différence de pourcentage à l’intérieur même des cantons n’était pas plus bouleversante que ça. Peut-être qu’une partie de ces électeurs n’a pas voulu dire, comme c’est sous-entendu, que tout allait à merveille .Peut-être ont-ils craint que la Suisse ne puisse sombrer, comme certains dramaturges professionnels l’avaient prédit.

Ainsi, nous risquons fortement semble t-il, de devoir repasser par les urnes pour savoir si nous maintenons  ou pas les accords bilatéraux avec l’UE. Peut-être serait-il bon de cesser la politique de l’autruche qui, certes, a ses partisans dans les deux camps ? D’accord, la Suisse doit beaucoup à l’Europe mais l’Europe doit, elle aussi, beaucoup à la Suisse. Notre pays a des infrastructures qui ont été longues à mettre en place grâce notamment à la participation de tous les citoyens et qui offrent aujourd’hui un certain nombre de postes de travail aux résidents mais aussi aux travailleurs étrangers qui permettent à leur tour à la Suisse de prospérer.

Pour conclure, j’ai si souvent entendu des Suisses qu’ils étaient prudents et frileux à tel point que cela en est devenu une référence comique. Cette fois, je crois que les helvètes nous ont surpris : ils ont été téméraires, ils ont mesuré le risque et l’ont pris.

Jazz (nom connu de la Rédaction), 9 février 2015

Un commentaire

  1. Posté par Martin le

    Je suis entierement d accord avec vous Jazz. Les suisses doivent etre courageux et voter contre l immigration de masse. Malheureusement, on nous a traité de racistes, xenophobes etc …mais, de moins en moins …car la deferlante etrangere continue. En effet, Berne devrait s occuper et proteger ses ressortissants et les etrangers résidents de longue date. Au lieu de cela, Berne accepte que ces personnes soient licenciees pour un etranger moins cher car la loi le permet, les patrons sont ravis, et que personne ne dise qu il n y a pas de dumping salarial, dans toutes les professions ou il n y a pas de convention, le dumping existe.
    Berne permet aussi des prix de loyers que nous ne pouvons meme pas payer alors que les multinationales les louent a l annee. Et ne me parlez pas des logements « sociaux », nous avons fait la ville de Geneve, travailler, payer des impots et, maintenant en prenant de l age, nous devrions etre mis dans une cave.
    On parle aussi de la formation des etrangers meilleure que la notre, normal, au vu de la taille des pays qui nous entourent il y a plus de formations possibles que dans notre petit pays. Ne pas oublier cependant que la suisse est d accord d aider des ecoles d infirmieres comme à Ambilly au lieu d ouvrir en Suisse cette meme ecole.
    Stoppons l hemorragie, les residents lambda en Suisse meurent a petit feu, ne prennent plus de vacances car la croissance de l economie suisse ne leur rapporte rien. La Suisse est forte sur la place commerciale mais au niveau des droits de l homme et la destruction de travail, de logements dans des quartiers paisibles a moindre cout montre clairement que le résident compte pour beurre.
    Je suis née a geneve, j ai 3 enfants et le probleme est le suivant : arriveront-ils a affronter les frontaliers ou autre rh de multinationales quand leur formation sera terminée ? Trouveront ils de quoi se loger pour se marier et avoir des enfants dans des appartements de 4 pieces de min fr 2000.– ? Dans un quartier paisible, au bord du lac, pres du parc bertrand ? Pourquoi cela devrait se passer differemment, ils sont suisses, qualifies, et ont le droit de vivre aussi bien que les expats car finalement qu ont ils de plus que nous ?
    Les bilaterales avec l EU ? Ok alors tout le monde au diapason, on baisse les loyers genevois au niveau francais, les ass maladies aussi, on donne acces a la propriété a tout le Monde et, on baisse de 40% tous les prix pour la consommation courante. A suivre.

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