Confession politique

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Il y a déjà une vingtaine d'années, à une époque où j'étais membre du parti libéral, j'avais pris la parole dans quelque assemblée pour dire qu'en qualifiant l'UDC de parti extrémiste, on faisait une grave erreur. L'UDC ne lançait pas d'appels à la violence,  n'organisait pas des assassinats, ne programmait pas des attentats à la bombe ou à la Kalachnikov. De plus, ajoutais-je, si l'on est démocrate, on ne peut pas exclure du jeu politique un groupe de citoyens en le diabolisant, à moins de cesser de se prétendre démocrate. Soit on diabolisait l'UDC mais alors on ne pouvait plus se dire démocrate, soit on l'acceptait comme un acteur politique parmi d'autres. Il fallait choisir.

 

Je disais ces choses après un doctorat en sciences politiques et j'estimais savoir de quoi je parlais. Les années trente m'avaient interpellé avec leur extrémisme tous azimuts. Je ne voyais aucun rapport entre le développement de L'UDC, voire du FN en France et la vague d'extrémisme qui avait balayé l'Europe avant la Deuxième guerre mondiale. On ne me répondit pas. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que j'étais seul de mon avis. Des partis comme L'UDC étaient extrémistes, point barre. J'étais un peu surpris mais me résignai.

 

Avec le recul je me demande comment on en est arrivé, à cette époque, à déclarer que tel ou tel parti était extrémiste et je suis sidéré par le zèle avec lequel on a diabolisé des partis jugés incorrects. Y avait-il alors quelque comité central dont les directives étaient servilement suivies par les partis au pouvoir ? Comme je n'ai jamais aimé les théories qui expliquent tout par quelque complot, je ne pouvais le croire, mais aujourd'hui encore je reste stupéfait devant la naissance puis la persistance de dogmes non seulement absurdes mais irrationnels. Nombreux sont ceux qui se vantent aujourd'hui de défendre la raison, mais eux-mêmes auront été incapables de faire la plus petite comparaison entre l'extrémisme des années trente et celui dont on affuble aujourd'hui certains partis. Ils auront aussi été incapables de pratiquer un minimum de logique en affrontant le dilemme que je viens d'exposer : soit on est démocrate et l'on inclut tous les citoyens, soit on en exclut certains mais on ne peut plus se prétendre démocrate.

 

J'en suis arrivé à la conclusion que si le centre-droit se meurt aujourd'hui, le PLR en Suisse, l'UMP en France entre autres, c'est pour avoir obéi, Dieu sait pourquoi, à cette injonction de déclarer extrémistes des partis qui ne l'étaient point. Cela ne me réjouit pas et je ne peux m'empêcher de penser que si ce centre-droit avait refusé de suivre la gauche dans ses attaques diffamatoires et délirantes contre des partis attachés à la souveraineté nationale, il ne serait pas, ce centre-droit, en si piteux état aujourd'hui.

 

Après avoir constaté que mes objections à la diabolisation de la "droite de la droite" n'avaient aucun effet, une deuxième surprise m'attendait. Après le 11 septembre, en effet, je me dis que médias et partis allaient bien voir la différence entre l'extrémisme des djihadistes et le soi-disant extrémisme d'un Oskar Freysinger par exemple. Eh bien pas du tout. On a continué à le qualifier, lui et bien d'autres, d'extrémiste, le soupçonnant même de vouloir gazer des enfants. Comment expliquer un tel déni de réalité, un tel délire ?

 

Depuis 1945, L'Occident s'est engagé dans un processus conduisant à l'atomisation ou, comme dit Zygmunt Bauman, à la liquéfaction de la société sous la bannière de l'individualisme : familles qui se désintègrent, patries discréditées, mondialisation. Or les êtres humains ne peuvent pas vivre comme de petits atomes perdus dans de grandes masses. Ils attendent de nouvelles solidarités et cherchent leur place dans le monde. La gauche a longtemps répondu à cette attente et elle pouvait collaborer avec le centre-droit. Et puis, divine surprise pour elle à partir des années 80, elle voit apparaître des partis qu'elle peut déclarer fascistes. Rien ne renforce plus le sentiment de solidarité que la désignation d'un ennemi. Cela a très bien fonctionné pendant environ trois décennies. Aujourd'hui, ça ne fonctionne plus. La gauche doit devenir social-démocrate, collaborer avec la mondialisation de l'économie et le néo-libéralisme. Dès lors, elle ne peut plus répondre aux attentes de solidarité parce que, dans ces conditions, elle perd sa spécificité et, du coup, ne peut plus être un refuge identitaire. Quant au centre-droit qui, en gros, a collaboré avec la gauche, il est aussi perdu qu'elle. Qu'est-ce donc qui nous attend ?

 

Nul besoin d'être prophète pour parier que la quête de solidarité ou d'identité va se poursuivre. Le besoin de trouver sa place dans le monde est plus puissant que les besoins économiques. Ce besoin n'a rien à voir avec cette alternative grossière, aujourd'hui brandie à tout bout de champ, entre le repli et l'ouverture. Va-t-il, ce besoin, nous ramener aux nations et à leur souveraineté ? J'en doute mais sans très bien savoir pourquoi. Quant à l'émergence de citoyens du monde ou de l'Europe, j'en doute encore plus. C'est en tout cas entre ces deux extrêmes -  retour à la nation ou, à l'inverse, fusion dans quelque entité supranationale - que nos politiciens devront naviguer. S'ils le font avec habileté, ils éviteront invectives et incantations, ces deux poisons de la vie politique.

Jan Marejko, 12 février 2015

 

3 commentaires

  1. Posté par KANDEL le

    Jan Marejko
    «Il y a déjà une vingtaine d’années, à une époque où j’étais membre du parti libéral, j’avais pris la parole dans quelque assemblée pour dire qu’en qualifiant l’UDC de parti extrémiste, on faisait une grave erreur. L’UDC ne lançait pas d’appels à la violence, n’organisait pas des assassinats, ne programmait pas des attentats à la bombe ou à la Kalachnikov. De plus, ajoutais-je, si l’on est démocrate, on ne peut pas exclure du jeu politique un groupe de citoyens en le diabolisant, à moins de cesser de se prétendre démocrate. Soit on diabolisait l’UDC mais alors on ne pouvait plus se dire démocrate, soit on l’acceptait comme un acteur politique parmi d’autres. Il fallait choisir.
    Je disais ces choses après un doctorat en sciences politiques et j’estimais savoir de quoi je parlais. Les années trente m’avaient interpellé avec leur extrémisme tous azimuts. Je ne voyais aucun rapport entre le développement de L’UDC, voire du FN en France et la vague d’extrémisme qui avait balayé l’Europe avant la Deuxième guerre mondiale. On ne me répondit pas. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que j’étais seul de mon avis. Des partis comme L’UDC étaient extrémistes, point barre. […] »

    COMMENTAIRE de Pierre H. le 12 février 2015
    « […] Les gauchistes. Pour moi, le gauchisme n’est pas une idéologie mais une maladie mentale et tous ont les mêmes symptômes puisque la maladie est la même, c’est pourquoi la pensée unique marche si bien. Les socialistes se fichent de la Nation, du peuple, des gens… Seuls leur carrière, leurs intérêts personnels et leur domination des autres comptent. La preuve que ce qu’ils vendent est de la daube et que les lendemains enchanteurs et enchantés n’arriveront jamais, c’est qu’ils doivent utiliser ces moyens vicieux et infâmes non pas même pour nous faire accepter leur rhétorique, mais pour nous l’enfoncer dans la gorge. Le seul parti politique que je respecte en Suisse est l’UDC. […] »

    Merci Mr Marejko pour cette confession très instructive et Merci Mr Pierre H pour votre commentaire éclairé.

    Pour moi tout cela me semble être quelque chose de déjà connu, de tristement répétitif.

    Maudite lâcheté, misère du « déclin du courage » relevé par le tout grand Soljenitsyne.

    D’un côté, il y a l’opinion publique, les médias, le politiquement correct, les lâches (personnes physiques, partis, associations diverses qui veulent avant tout ne pas déplaire aux faiseurs d’opinion agréés) … et de l’autre uniquement des courageux (forcément minoritaires) qui placent la vérité à sa place, la première.

    Oser dire publiquement de nos jours : « Mr Christoph BLOCHER est un homme supérieur à qui les Suisses doivent beaucoup ! » est avant tout un acte de courage, le fait qu’il s’agisse également d’une grande vérité passe au second plan.

    Honte aux lâches, …. hommages aux Alexandre Soljenitsyne, Winston Churchill, Margaret Thatcher, Christoph Blocher, Guillaume Farel, Waldleute (habitants des Waldstätten), …

    Hommage également à Mr Jean-Louis Caccomo :
    http://lesobservateurs.ch/2015/01/29/france-dictature-psychiatrique-ou-larme-de-linternement/

  2. Posté par Michel de Rougemont le

    Une confusion est systématiquement entretenue entre la dualité collectivisme-individualisme, concernant l’organisation politique d’une société, et l’autre dualité égoïsme-altruisme, qui ne concerne que l’individu.
    L’appel à la solidarité fait ce malheureux croisement de cible: si tu n’es pas solidaire (collectif), tu es un égoïste (individu).
    Pourtant si je ne suis pas solidaire avec les aspirations partisanes de xyz, cela ne fait pas de moi un égoïste.
    Ça n’a pas de logique, … mais pour la propagande ça marche, car ça me met au ban de la société si je refuse.
    Dans la plupart des cas l’appel à la solidarité est un appel au collectivisme, toujours totalitaire dans ses conséquences. Il peut s’agir d’appel identitaire (droite nationaliste) ou de lutte des classes (gauche marxiste).
    Que chacun reste donc libre de choisir ses solidarités !

  3. Posté par Pierre H. le

    Jan Marejko : « …On a continué à le qualifier, lui (…Oskar Freysinger…) et bien d’autres, d’extrémiste, le soupçonnant même de vouloir gazer des enfants. Comment expliquer un tel déni de réalité, un tel délire ? »

    Monsieur Marejko, premièrement, il faut arrêter de croire que tout le monde est comme soi-même. Le fait qu’une majorité de gens soit honnêtes et honnêtes intellectuellement ne fait pas que ce soit le cas de tous. Il y a des gens vraiment retors et pervers et manipulateur. Je ne sais plus qui a dit, mais vous l’avez aussi probablement déjà lu : « Mentez, mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ». Ces gens-là ne font pas de déni de réalité ni ne délirent. Ils savent très bien ce qu’ils font et ils savent très bien que ce qu’ils disent est faux. Ils font ce qu’on appelle de la propagande noire (black propaganda en anglais) au sujet d’un individu, ou d’un groupe ou d’une nation dont ils veulent détruire la réputation ou la crédibilité. Malheureusement, la propagande noire est très très toxique et marche à merveille. En plus, elle ne se base quasiment jamais sur des faits mais est plutôt faite dans l’abstrait. En effet, comment voulez-vous prouver que vous n’êtes ni raciste, ni extrémiste ? Même en présentant des preuves irréfutables qui invalident ce qui est dit sur vous, le doute restera toujours dans la tête des gens (y-a pas de fumée sans feu – oui, mais peut-être que…, et blabla, etc.). Et ils savent quels mots utiliser ! Nazi, fasciste, extrémiste, etc… Souvenez-vous des Serbes qui soit-disant décapitaient les Kosovars et jouaient avec leurs têtes au football. Comment voulez-vous croiser un Serbe sans raser les murs après avoir entendu ça ! Et donc ils savaient quels mots employer pour frapper fort dans l’opinion publique, opinion qui était encore très sensible et émotionnelle par rapport aux horreur de la seconde guerre mondiale. Donc il fallait présenter les Serbes comme des nazis, il fallait parler de génocides, de charniers, etc. Voyez ensuite vous-même le résultat !
    Et qui manipule les gens en faisant cette propagande noire ? Les gauchistes. Pour moi, le gauchisme n’est pas une idéologie mais une maladie mentale et tous ont les mêmes symptômes puisque la maladie est la même, c’est pourquoi la pensée unique marche si bien. Les socialistes se fichent de la Nation, du peuple, des gens… Seuls leur carrière, leurs intérêts personnels et leur domination des autres comptent. La preuve que ce qu’ils vendent est de la daube et que les lendemains enchanteurs et enchantés n’arriveront jamais, c’est qu’ils doivent utiliser ces moyens vicieux et infâmes non pas même pour nous faire accepter leur rhétorique, mais pour nous l’enfoncer dans la gorge. Le seul parti politique que je respecte en Suisse est l’UDC. J’y suis allé à une assemblée et me suis rendu compte que ce n’étaient ni des carriéristes, ni des margoulins, ni des racistes et que le sort de la Suisse et de ses habitants leurs tenaient vraiment à coeur. Pour lutter contre ce plus grand parti de suisse qui sait mettre le doigt sur les vrais problèmes dans l’intérêt du peuple (et qui n’a qu’un siège, chercher l’erreur), le parti socialiste qui n’est que du vent avec des prétentions internationales ne peut qu’utiliser ces méthodes dignes des nazis et des fascistes extrémistes pour garder la tête hors de l’eau. Et malheureusement, le côté irrationnel des gens réagit négativement contre l’UDC à cause du venin disséminé.

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